L’historien américain Timothy Snyder, professeur à Yale, a accordé à "Kometa" un grand entretien dans lequel il montre les similarités entre l’invasion russe de 2022 et l’invasion nazie de 1941.
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Vous comparez parfois l’invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 avec l'invasion de l'Ukraine par l'Allemagne nazie en 1941. Pourquoi pensez-vous que l'Ukraine est une proie si désirable?
Timothy SNYDER : L'une des raisons pour lesquelles le Kremlin veut prendre l'Ukraine était aussi le but de guerre du Reich nazi dans les années 1930: les matières premières. Plus nous en apprenons sur la guerre russe actuelle, plus nous comprenons qu’elle a été planifiée pour s'emparer de ressources, notamment alimentaires, afin que d’autres en soient privés. Les Ukrainiens sont considérés de la même manière: un peuple à coloniser.
Il y a des nuances dans les deux visions coloniales. Les Allemands pensaient que les Ukrainiens préféraient être gouvernés par leurs maîtres aryens que par des Soviétiques, c’est-à-dire, dans la vision nazie, par des juifs. Pour les Russes, l'idée est que les Ukrainiens ne savent pas vraiment qui ils sont. Qu’ils se trompent. Qu’ils se croient ukrainiens, mais qu’en fait, au fond de leur cœur ou de leur âme, ils sont russes. Il faut donc les éduquer par la violence pour qu'ils comprennent qu'ils sont russes.
Voilà d’ailleurs un exemple de la façon dont l'examen de l'histoire ukrainienne aide à redresser le récit de l'histoire européenne. Depuis le début de notre histoire occidentale, l'Ukraine a rempli cette fonction économique de fournir des denrées alimentaires. La Grèce antique, aux Ve et IVe siècles avant JC, était alimentée en blé de ce qui est aujourd'hui le sud de l'Ukraine. Toute notre tradition de démocratie, de philosophie et de mathématiques est donc liée à une synthèse économique et sociale qui a impliqué l'Ukraine.
Lorsque l'Empire russe prend le contrôle de l'Ukraine, après plusieurs siècles de colonisation polonaise, il met aussitôt la main sur l'exportation des céréales ukrainiennes, issues d'un des sols les plus fertiles du monde. Notre époque postmoderne et post-structurelle a tendance à oublier certaines de ces réalités sociales et agricoles fondamentales, qui sont un miroir des idéologies.