Tonnerre a écrit:
(...) ceux des officiers français qui ont pratiqué la torture en Algérie et celles des utilisateurs de ces méthodes dans l'armée US d'aujourd'hui: Aussaresse a enseigné à Fort Bragg, North Carolina, dans les années 60 (Fort Bragg est connu comme le "Home of the Airborne and Special Operations Forces." ( XVIII Airborne Corps and 82nd Airborne).
Sans vouloir excuser ces officiers français, il faut quand même souligner que Aussaresse était atypique, i.e. complètement enragé. On peut se demander s'il était bien le mieux placé pour aller enseigner à Fort bragg.
Les colonels et O.R. (officiers de renseignement) impliqués dans la bataille d'Alger, qui n'étaient pourtant pas des tendres, finissaient par trouver - et par dire - qu'Aussaresse y allait un peu fort, poussait à toujours plus d'arrestations, et s'inquiétaient de l'activité de son état-major spécial, dont les sbires ramassaient le soir les prisonniers jugés irrécupérables, ou se chargeaient d'en remettre une couche sur des prisonniers déjà interrogés.
Bigeard, dont le régiment est chargé de la Casbah, n'avait lui qu'une obsession : identifier et arrêter les chefs, ce qu'il réussira. Mais nettoyer la Casbah de tous les militants de base du FLN, là on parlait d'un "traitement en masse" qui ne lui plaisait guère.
Il y a par exemple l'épisode de l'arrestation du chef du FLN à Alger. Ben M'hidi, je crois.
Bigeard passe la nuit à discuter avec lui, "entre soldats" après l'avoir informé qu'il sera fusillé le lendemain. Comme un combattant. Il a en face de lui le chef de la wilaya d'Alger (une des 6 ou 7 régions militaires, dans la terminologie du FLN) qui lui confie qu'il est ecoeuré des luttes de pouvoir qui ont commencé à l'intérieur du FLN, et qu'il n'est guère fâché de mourir en soldat sans voir la suite.
Mais ça ne suffit pas à Aussaresse : on tient le chef de la région d'Alger, il a sûrement des liaisons avec les autres régions, il faut lui faire cracher tout ce qu'il sait. Il exige donc sa livraison à son "état-major spécial", et Ben M'hidi disparaîtra comme un caillou dans la mer.
Une abomination inutile : En réalité le FLN algérois décimé avait perdu ses liaisons avec les autres régions, dont les militants n'osaient même plus venir en ville, craignant de tomber dans un filet de surveillance particulièrement serré. Bigeard avait raison en pensant que c'était le point final de "la bataille."
la bataille d'Alger, c'est 4000 morts dans les quartiers arabes. (décompte établi par le préfet de police pour l'Algérie, Pierre-Henri Teitgen) Ce n'est pas sans raison que Massu a fini par dire, il y a quelques années : "On aurait pu faire autrement." Oui, on aurait pu neutraliser le FLN sans taper aussi fort. Alors Aussaresse et sa compétence...