Jean-Marc Labat a écrit:
Je dois avouer que je ne vois pas trop le rapport entre productivité et endettement de l'Etat.
Il y en a pourtant un. Voire même deux.
Le premier positif, l'augmentation de la productivité, si elle se poursuit, nous permettra de rembourser plus vite ce que l'on doit. En augmentant la productivité, on augmente en même temps les revenus disponibles pour des remboursements. Or, dans toutes les prospectives, on ne tient absolument pas compte de ce facteur et c'est normal quelque part, parce que nous ne sommes pas sûrs de ne pas atteindre à un moment un seuil au-delà duquel la productivité ne se mettrait pas à stagner. Mais, cette augmentation continue de la productivité explique bien pourquoi nous ne sommes pas encore dans les conditions catastrophiques prévues par certains rapports d'il y a 30 ans.
Il y a un second rapport, négatif, celui-là, l'augmentation de la productivité génère en elle-même du chômage puisque si on peut produire plus avec autant de gens, cela veut aussi dire que l'on va produire autant avec moins de gens. Donc, si on ne conquiert pas des parts de marchés supplémentaire, le chômage augmente et ne se résorbe pas. Or, une part de l'endettement de l'État vient des gens non-productifs auxquels on vient en aide.
Le monde idéal serait que la productivité continue d'augmenter et que l'on conquiert des parts de marché de manière à résorber le chômage grâce au départ à la retraite du papy-boom. L'augmentation de ressources de l'État provenant des prélèvements automatiques liés à la production permettrait, dans certains cas, de passer les divers cas sans que l'on s'en rende trop compte sur nos fiches de payes, si tous les paramètres se relèvent optimaux. Si ce n'est pas le cas, il faudra quelques ajustements et des choix plus ou moins douloureux devront être faits.
C'est d'ailleurs une des difficultés de l'État, d'une manière ou d'une autre ses ressources proviennent de ce que l'on produit. Plus on produit, plus l'État sera riche. Mais, puisqu'on se retrouve en situation de concurrence internationale, il faut non seulement produire, mais aussi vendre et si possible au prix du marché. Donc, les producteurs aimeraient que le niveau des prélèvements diminuent, ainsi ils pourront baisser les prix, vendre plus et l'État s'y retrouverait grâce à l'augmentation du volume. Mais, ça impose que l'État accepte de faire le premier geste sans contrepartie immédiate. Or, si ça ne fonctionne pas, l'État se retrouve avec moins de recettes, donc un déficit qui augmente. La démarche vertueuse voudrait que l'on diminue d'abord les dépenses et qu'ensuite on diminue les recettes, or comme on privilégie la reprise par la consommation, on n'est pas tout à fait dans ce genre de schémas.
L'exemple de la TVA dans le restauration est un très bon exemple des difficultés prévisibles dans les divers cas de figures. La restauration française éprouve pas mal de difficultés par rapport à celle d'autres pays européens. Les patrons pointaient le niveau élevé des prélèvements de l'État et surtout la TVA. Après les péripéties que l'on sait, on baisse la TVA et les restaurateurs s'engagent à baisser les prix, à embaucher plus et à investir. Pour l'Etat, au terme d'un ou deux ans, l'opération devait être à balance nulle, la baisse des prix étant sensé entrainée une augmentation de la fréquentation qui aurait généré une augmentation des recettes, une augmentation de la main d'œuvre et plus des rentrées d'argents dans les caisses du Trésor Public .... il faut bien reconnaitre que ça n'en prend pas le chemin. Les raisons en sont multiples, la crise, peut-être y joue un rôle, mais on a aussi trop attendu et pas mal d'autres facteurs jouent aussi.
En fait, à mon sens, la productivité, et surtout son augmentation, jouent un rôle non négligeable dans l'endettement de l'État. Si la productivité n'avait pas continuellement augmentée de 1975 à 1993, puis de 1994 à 2008, nous aurions sûrement résorbé le chômage, puisqu'à produire autant, il nous aurait fallu plus de monde. Mais le prix de nos produits à l'export serrait encore plus élevé et on ne sait pas si nous en vendrions autant. Mais, aussi, le salaires seraient aussi plus bas, donc nos prélèvements aussi. D'un autre coté, nous n'aurions pas de CMU, de cotisations chômage, de RMI, bref, moins de dépenses sociales et donc moins de charges sur les entreprises. Bref, nous serions identiques à certains de nos voisins, avec leurs avantages et leurs inconvénients.
Le modèle français tient en partie grâce à la forte productivité des Français, sans elle nous n'aurions pas été capable de nourrir 3 millions de chômeurs et leurs familles. Mais, à certains moments, elle a autorisé une fuite en avant bien peu vertueuse. L'argent dans les caisses de l'État augmentait quand même et on a oublié de l'économiser. Faut dire que la plus grande puissance économique nous donnait et nous donne toujours l'exemple. Son déficit est abyssal par rapport au notre. Là ou nous atteignons les 7,8% du PIB, ils sont à 13,6%, soit presque le double.
En fait, en ce moment à consulter les chiffres de l'économie mondiale, nous sommes parmi les plus vertueux :
Citation:
Si les dépenses publiques françaises sont, de longue date, parmi les plus importantes, elles ont en revanche très peu augmenté au cours de la crise. Alors qu'elles s'accroissaient (en termes réels, c'est-à-dire une fois l'effet de l'inflation déduit) de 17 % aux États-Unis entre 2007 et 2009, de 14 % en Espagne ou de 11 % au Royaume-Uni, elles ne gagnaient que 3,8 % en France. Parmi les grands pays européens, il n'y a qu'en Italie, avec une hausse de 1,2 % seulement, qu'elles ont moins progressé qu'en France. Ce qui contribue à expliquer la situation très dégradée actuellement de l'économie italienne. Le poids des dépenses de protection sociale ne s'est en particulier accru en France que de 2 points de PIB entre 2007 et 2009, une hausse significativement plus faible que dans l'ensemble de la zone euro, avec + 2,7 points.
France, pourquoi ça ne va pas plus malLa France augmente son déficit, mais moins que tous nos principaux concurrents. S'il est dangereux pour la France d'avoir un déficit de 7%, j'aimerais comprendre pourquoi il n'est pas dangereux pour le moteur de l'économie mondiale d'en être à presque 14% ?
Pour autant, du fait des ponctions qu'elle entraine et de nos engagements européens, il va bien falloir se décider à rembourser notre dette. Je crains que tôt ou tard, le gouvernement ne devra prendre les mesures qui s'imposent et augmenter fortement les impôts, alors qu'actuellement, il annonce qu'il lui faut les baisser pour relancer notre économie.
Citation:
En 2009, le déficit public devrait s'établir aux alentours de 140 milliards d'euros, soit 7,5 % du PIB : deux fois plus que le seuil maximal autorisé par l'Union européenne, si bien que la Commission européenne s'apprête à engager une nouvelle procédure pour déficit budgétaire excessif. Quant à la dette publique, elle devrait grimper à 80 % du PIB à la fin de cette année. Toujours selon la Cour des Comptes, un tel déficit n'est pas « rattrapable » par le seul effet d'une reprise de la croissance économique en 2011 : même si la croissance économique devait retrouver un rythme annuel de 2 % à 2,5 % par an, le déficit public en 2012 serait encore de 5,5 % du PIB, soit toujours un niveau très élevé au regard des engagements européens et de la capacité de financement du pays. Dès lors, trois scénarios sont envisageables.
Le premier revient à fouler aux pieds nos engagements européens. Il est difficilement acceptable, non seulement parce qu'il mettrait la France de facto au ban de la zone euro, mais aussi parce que la dette grossirait à une allure vertigineuse (de l'ordre de 120 milliards par an) au détriment des générations à venir. Autant il est normal que la dette grossisse lorsqu'il s'agit de lutter contre la crise, parce que c'est alors une sorte d'investissement au bénéfice de toute la société, autant cela devient une forme de prédation sur le dos des générations futures lorsque la crise n'est plus là.
Le deuxième scénario table sur une forte baisse des dépenses publiques : c'est le scénario officiel, auquel on ne peut guère accorder crédit. Car, même en serrant à fond la vis des économies budgétaires, jamais l'Etat ne pourra réduire en deux ans (2011 et 2012) ses dépenses en volume de 60 milliards d'euros, alors même que les charges financières liées à la dette vont grossir chaque année d'ici là de 4 à 5 milliards (sous l'effet du volume croissant de la dette et de la remontée inévitable des taux d'intérêt lorsque la conjoncture repartira à la hausse).
Le troisième scénario consiste à augmenter les impôts. C'est celui de la Cour des Comptes, qui plaide à la fois pour une réduction de la dépense publique et une augmentation des recettes fiscales. Ce qui supposerait soit de supprimer le bouclier fiscal (car, à défaut, toute hausse de l'impôt sur le revenu pèserait presque exclusivement sur les contribuables situés dans les déciles correspondant aux « couches moyennes »), soit d'augmenter la TVA, soit de créer une taxe carbone en plus, et non à la place, des cotisations sociales. Et le chef de l'Etat renierait alors son principal engagement de 2007 : réduire de 5 points en cinq ans le niveau des prélèvements obligatoires.
Mais puisque Nicolas Sarkozy n'est pas encore placé au pied du mur, il tient le cap de la baisse des impôts, ce qui est économiquement suicidaire, en le justifiant (à raison) comme une mesure anticrise, mais aussi (à tort) comme une nécessité après la crise.
Budget 2010 - le retour à la politique libérale