Je n'ai pas les mêmes ordres de grandeur que vous. L'Europe, c'est aujourd'hui grosso modo un quart du PIB mondial. N'est-ce pas plutôt sur la part de l'Europe dans le commerce mondial que vos chiffres portent, Vitalis ?
Mais quand on parle commerce international, il faut appliquer un coefficient correcteur. Quand j'étais lycéen, on nous apprenait que l'Europe pesait 40% du commerce mondial, en nous précisant toutefois que ce chiffre incluait le commerce entre pays européens, comme si on ajoutait au commerce extérieur des USA le commerce entre les 50 états américains.
Je ne suis pas spécialiste du domaine nucléaire ni des implications de ce contrat. Mais quand même, ce n'est un contrat qu'avec ... Abu Dhabi, soit un petit émirat peuplé de à peine plus d'1 millions d'habitants. Même si je ne suis pas non plus optimiste sur les perspectives de l'Europe, il ne faut pas tomber dans le catastrophisme. Le jour où les grands pays se mettront à acheter leur nucléaire civil ailleurs, là oui il faudra s'inquiéter. Mais franchement, Abu Dhabi qui ne repose que sur du pétrole et dont les réserves financières sont grosso modo hypothéquées par la faillite de Dubaï, ce n'est pas un signal d'alerte significatif. N’oublions pas que la France n’est pas le seul grand acteur sur le nucléaire civil : il y a notamment les USA, l’Allemagne, la Russie.
Ce qui est beaucoup plus inquiétant sur le nucléaire civil, c'est la rupture entre la filière française et Siemens qui risque d’affaiblir les positions de l’industrie européenne en général et française en particulier.
Quant à la vieille thèse sur la France, pays en voie de sous-développement, désormais étendue à l'Europe, ça n'est pas encore sérieusement étayé par des faits et un tas de facteurs plaident en sens contraire.
Il ne faut pas confondre rattrapage par les autres et déclin européen. Combien pèse l'Europe aujourd'hui ? Grosso modo 8% de la population mondiale. 11% si on inclut la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie. Logiquement, il est plus difficile à un ensemble 3 fois plus riche que la moyenne d'augmenter ou de maintenir sa part dans la richesse produite mondialement qu'à un ensemble dont la part dans la richesse mondiale reste 3 fois inférieure à son poids démographique (ex. La Chine avec 1,3 milliard d'habitants, soit 20% de la population mondiale mais encore "seulement" 8% du PIB mondial, ou encore l’Inde avec 1,15 milliard d’habitants, soit 18% de la population mondiale mais seulement environ 2,5% du PIB mondial).
Pour ma part, je ne m’inquiète pas de ce rattrapage-là : il relève plutôt des lois de la gravitation démographique et économique pour des pays qui ont les acquis, les compétences, les moyens, les structures et les politiques qui leur permettent de se rapprocher des américains, des européens ou des japonais. Et encore faudra-t-il voir jusqu’à où le rattrapage et à quel prix ? Le développement chinois est-il soutenable, c’est un autre sujet. Il y a peu, on nous vantait les mérites du modèle économique anglo-saxon dont on voit qu’il était surtout bon à créer des bulles financières au détriment de l’économie réelle et de la grande majorité des populations américaine et britannique.
Si j’enfile ma tenue de madame Soleil, je me dis qu’à tendance démographique inchangée, l’Europe va effectivement voir son poids relatif dans l’économie mondiale nettement baisser mais que les européens resteront beaucoup plus riches que la moyenne mondiale. On n’en est pas encore à un apauvrissement (tendance durable à la baisse en valeur absolue de la richesse produite) de l’Europe ou de quelque autre continent que ce soit. Il faut aussi tenir compte des gigantesques défis (démographiques, écologiques, éducatifs, politiques, sociaux) auxquels vont devoir faire face les pays en développement dont le développement économique nous fait, par comparaison, craindre notre propre déclin. Ces pays auront connu notre parcours beaucoup plus rapidement que nous. Ils est probable qu’ils achèvent leur transition démographique beaucoup plus brutalement que nous, avec à la clé les mêmes questions de financement de la vieillesse, de la santé, …etc.
L’Europe conservent des atouts considérables pour maintenir une partie de son avance : une géographie favorable (on craint moins que d’autres la sécheresse et la pénurie d’eau), des sociétés très solides, un niveau d’éducation et de formation qui reste globalement excellent comparé aux autres (ne nous focalisons pas non plus sur 5 grandes universités américaines et sur 2 grandes universités chinoises qui ne sont pas représentatives).
Après tout, il y a une quinzaine d’années, on nous annonçait une catastrophe pour l’industrie automobile européenne qui devait faire les frais des surcapacités de production mondiale. Le résultat c’est que c’est l’industrie automobile américaine qui a pris la tasse et qui vient de subir une baisse dont on peut douter qu’elle la rattrapera jamais.
Mais pour revenir à la cause fondamentale de ce recul relatif de l’Europe, la démographie, c’est là que les choses sont les plus inquiétantes. La France reste momentanément une exception mais l’Europe est en grave dépression démographique et sa population devrait effectivement baisser dans le siècle qui vient. L'Europe représentait un quart de la population mondiale en 1900. Moins de 10% aujourd'hui, soit, si on se fie aux estimations sur très longue période par les géographes/démographes/historiens, le plus faible poids démographique que l'Europe ait connu (sauf erreur de ma part, il n'y a qu'à l'époque de la grande peste du 14ème siècle qu'elle est descendue si bas, mais à l'époque c'était accidentel alors qu'il s'agit là d'une évolution structurelle).
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