Aigle a écrit:
stratégique (méfiance viscréale pour l'Occident, complaisance systématique pour les Etats anti-occidentaux)
En cela, l'actuelle Russie et l'URSS restent les dignes héritières de l'Empire russe, lui-même héritier de l'Empire byzantin et de la défiance générale des chrétiens orthodoxes pour l'Occident.
***
Analyses de De Gaulle sur la Russie éternelle masquée derrière l'URSS :
Citation:
En sa personne et sur tous les sujets, j’eus l’impression d’avoir devant moi le champion rusé et implacable d’une Russie recrue de souffrance et de tyrannie, mais brûlant d’ambition nationale.
Staline était possédé de la volonté de puissance. Rompu par une vie de complots à masquer ses traits et son âme, à se passer d’illusions, de pitié, de sincérité, à voir en chaque homme un obstacle ou un danger, tout chez lui était manœuvre, méfiance et obstination. La révolution, le parti, l’État, la guerre, lui avaient offert les moyens et les occasions de dominer. Il y était parvenu, usant à fond des détours de l’exégèse marxiste et des rigueurs totalitaires, mettant au jeu une audace et une astuce surhumaines, subjuguant ou liquidant les autres.
Dès lors, seul en face de la Russie, Staline la vit mystérieuse, plus forte et plus durable que toutes les théories et que tous les régimes. Il l’aima à sa manière. Elle-même l’accepta comme un tsar pour le temps d’une période terrible et supporta le bolchevisme pour s’en servir comme d’un instrument. Rassembler les Slaves, écraser les Germaniques, s’étendre en Asie, accéder aux mers libres, c’étaient les rêves de la patrie, ce furent les buts du despote. Deux conditions, pour y réussir : faire du pays une grande puissance moderne, c’est-à-dire industrielle, et, le moment venu, l’emporter dans une guerre mondiale. La première avait été remplie, au prix d’une dépense inouïe de souffrances et de pertes humaines. Staline, quand je le vis, achevait d’accomplir la seconde au milieu des tombes et des ruines. Sa chance fut qu’il ait trouvé un peuple à ce point vivant et patient que la pire servitude ne le paralysait pas, une terre pleine de telles ressources que les plus affreux gaspillages ne pouvaient pas les tarir, des alliés sans lesquels il n’eût pas vaincu l’adversaire mais qui, sans lui, ne l’eussent point abattu.
Pendant les quelques quinze heures que durèrent, au total, mes entretiens avec Staline, j’aperçus sa politique, grandiose et dissimulée. Communiste habillé en maréchal, dictateur tapi dans sa ruse, conquérant à l’air bonhomme, il s’appliquait à donner le change. (Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, « La libération 1944-1946 »)
***
AP. — C’est pour ça que vous parlez de la Russie et non de l’Union soviétique.
GdG. — Les seules réalités internationales, ce sont les nations. La Russie boira le communisme comme le buvard boit l’encre. »
J’ai rapporté cette phrase à notre meilleur « kremlinologue », mon aîné du Quai d’Orsay. Il s’est esclaffé en se tapant sur les cuisses : « Mais il n’a rien compris ! Le Russe, ça n’existe plus, la Russie a disparu. Il n’y a plus que l’Union soviétique. Il n’y a plus que l’homo sovieticus. Pendant trois générations, on a fait du lavage de cerveau, et le fond de la culture russe a disparu; il n’en reste plus rien. Tous sont devenus des robots soviétisés. »
Il a fallu attendre trente ans – le temps de « soviétiser » une quatrième génération – pour que l’Histoire donne raison à l’homme de l’Histoire et confonde le grand expert. Mais si de Gaulle a vu plus juste, n’était-ce pas tout simplement parce que sa foi en l’homme était plus forte ? (Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, tome I)
A mettre en relation avec la nostalgie de l'URSS qui n'existe que chez les Russes. Ils cherchent à en masquer les crimes et les coups tordus :
Citation:
[A propos du film sur l'affaire Farewell :]
Mikhalkov prévient Carion que l’ambassadeur de Russie en France, Alexandre Avdeïev, qu’il connaît bien, intrigue contre le film. Il ne veut pas qu’il soit tourné en Russie. « Il en a fait une affaire personnelle », se souvient Carion.
Et pour cause ! Avdeïev faisait partie des 47 diplomates russes expulsés par Mitterrand. En janvier 1983, la France découvre que tous les messages échangés depuis 1977 entre l’ambassade de France à Moscou et le Quai d’Orsay ont été interceptés par les Russes, qui avaient installé une dérivation sur le téléimprimeur de la chancellerie. Furieux, Mitterrand demande la liste des membres du KGB et du GRU, le renseignement militaire soviétique opérant en France, liste obtenue grâce à la taupe Farewell.
« Même en passant outre, on n’aurait pas eu les autorisations », explique Carion. Surtout qu’Avdeïev est devenu le nouveau ministre de la Culture. (2008, Le Point 1870, 53)
À l’origine, Vetrov devait avoir le visage de Nikita Mikhalkov, le puissant réalisateur russe, puis de Sergueï Makovetski, une star dans son pays. Mais le « traître » Vetrov est encore un sujet sensible, et Avdeev, alors ambassadeur en France, gardait un souvenir cuisant des 47 diplomates soviétiques expulsés à la suite de l’affaire Farewell. « Makovetski a été dissuadé, résume Carion. En plus, Avdeev allait être nommé ministre de la Culture. On ne pouvait obtenir aucun acteur russe et aucune autorisation de tournage. » Au pied levé, Carion s’est rabattu sur l’Ukraine, mais son opus, très documenté sur les années 80, sent bon l’URSS. Quant à l’avenir de son film en Russie, Carion ne se fait aucune illusion : « Il sortira peut-être en DVD piraté. » (2009, Le Point 1931, 56)
***
Tout commence à Moscou avec le changement de nom d’un bistrot, l’« Antisoviétique ». Ses propriétaires doivent supprimer le préfixe « anti » après une plainte déposée par un ex-membre du comité central du PC, soutenu par le préfet de l’arrondissement. Ancien dissident et journaliste libéral, Alexandre Podrabinek, 56 ans, entre alors dans la danse. Il publie un article dénonçant ceux qui « tentent de justifier un passé soviétique plein de sang, de mensonges et de honte ». Aussitôt, le mouvement de jeunesse nationaliste Nachi (Les Nôtres) se mobilise et lance une campagne d’intimidation. Depuis, le journaliste se cache. (2009, Le Point 1933, 61)
Staline a la cote : à l’occasion du cent-trentième anniversaire de la naissance du Petit Père des peuples le 21 décembre 1879, un sondage réalisé en Russie révèle que 54 % des personnes interrogées apprécient la façon dont Joseph Staline a dirigé l’URSS, 8 % ayant une opinion contraire. (2009, Le Point 1945-1946, 9)
Beaucoup de Russes estiment, sans trop le dire ouvertement, que « la fin du communisme a été une bénédiction et la fin de l’Union soviétique une malédiction ». (2010, Le Point 1962, 53)
Personnellement, je comprends que les Russes ont soutenu l'URSS et qu'ils en ont la nostalgie parce qu'elle a poussé la puissance russe à son zénith entre 1945 et 1990 (occupation de l'Europe centrale, protectorats d'outre-mer, super-puissance militaire et politique...).