Jean-Marc Labat a écrit:
Moralité, les puissances régionales achètent allemand. Les puissances qui se veulent mondiales construisent leur propres engins à propulsion nucléaire. Notre modèle est donc quasiment inexportable, au contraire du modèle allemand
Historiquement les allemands ont toujours maintenu des compétences et un savoir-faire de haute tenue concernant la construction sous-marine. On ne peut pas en dire autant de leur flotte de surface, sans comparaison avec un pays comme la France.
Le propos qui consiste à dire que les sous-marins de classe Scorpène produit par DCN sont "inexportables" est une caricature démentie par les chiffres. Ce dernier a été vendu de façon plus importante que la classe 212 produit par HDW, auquel il est immédiatement confronté. Rappelons que 5 "Dolphin" ont été (en grande partie) gracieusement offert par le gouvernement allemand à l'Etat d'Israël. Si ce n'est pas une subvention déguisée à l'attention d'HDW, je ne sais pas ce que c'est ! Ont-ils également remporté le dernier appel d'offre de Karachi à la suite du désormais fameux contrat "Agosta 90B" au cours du milieu de la dernière décennie, est-ce réellement surprenant ?
Sans compter que ce type de matériel militaire est à considérer à fort contenu stratégique. De ce point de vue la force d'impact de l'industrie allemande et les rétributions potentielles en contre-partie (qui a dit les rétro-commissions ?) sont, n'en doutons pas, suffisamment persuasives pour forcer le cas échéant des décisions hautement politiques. Quand bien même les produits offerts par la concurrence leur seraient intrinsèquement supérieurs. De telles considérations se vérifient d'ailleurs assez largement à l'exportation pour le Rafale, disposant par les états-majors concernés d'une notation systématiquement plus élevée lors des phases de test que ses concurrents immédiats.
Mais il y a plus important: la DCN est l'opérateur public chargé en France de concevoir et de produire nos bâtiments de combat. En particulier les SNLE et autres porte-avions qui sont tout à la fois instruments de souveraineté et de dissuasion. Sur qui donc aurions-nous pu compter autrement que sur ces entreprises à forte composante publique, sachant qu'en France c'est l'Etat - et l'Etat seul - qui est (de l'impulsion initiale jusqu'au produit fini) à l'origine
de l'ensemble des grands programmes industriels qui ont fait sa renommée mondiale, ses succès d'exportation, et son indépendance stratégique depuis notamment De Gaulle ? Tout cela n'est pas une coïncidence.
Lorsque l'on voit le déroulement, le spectacle devrait-on dire, absolument pitoyable du programme européen de géo-localisation Galileo sous la férule du secteur privé, puisque les idéologues de la commission interdisent dorénavant tout financement public par dogmatisme, et donc toute politique industrielle digne de ce nom, c'est à dire concertée et nécessairement
planifiée (pensez-vous une hérésie), l'on se dit qu'il est heureux de détenir (pour quelques temps encore) quelques participations publiques dans de grands groupes industriels afin de tordre le bras à la logique de courte vue, et en définitive mortifère, du capitalisme financier actuel. Rendu parfaitement incapable de réaliser, et l'actualité le démontre magistralement, ici comme partout ailleurs (USA compris bien évidemment, à travers les subventions colossales apportées au complexe militaro-industriel par le pentagone, autrement dit le contribuable), ce que l'Etat est lui seul en mesure de budgétiser sur un cycle long, indépendamment de considérations de rendement et de profitabilité de court terme !