Il était prévisible que l'accession d'un africain-américain à la présidence allait donner une nouvelle vie à la question raciale, qui n'a jamais cessé de travailler les profondeurs de la société américaine. Soixante ans après le mouvement des "Civil Rights", divers mouvements racistes extrémistes ont vu affluer les nouveaux membres suite à cette élection; les contributions données par des "caucasiens" qui se sentent menacés par cette grande révolution politique et qui y voient le signe d'un recul démographique irréversible de leur groupe ethnique affluent, l'avénement d'une ère apocalyptique où les non-caucasiens domineront la société américaine et prendront leur revanche sur les anciens dominants est annoncée. Obama doit donc marcher sur la corde raide de ce point de vue, pour ne pas apparaître comme le président des noirs ou des minorités mais celui des Américains sans distinction de race ni de couleur , tout en n'ayant pas l'air d'oublier la communauté noire américaine et les hispaniques, car il a besoin du vote des minorités pour être réélu. Il a commis plusieurs maladresses de ce point de vue, maladresses qui ont été mal ressenties par l'électorat caucasien, tant démocrate que républicain. Il soutien un projet très libéral de large naturalisation des immigrants illégaux (13/14 millions d'illégaux estimés sur une population totale de 307 millions, concentrés dans quelques états frontaliers qui en recueuillent l'essentiel). Ensuite, il s'est porté immédiatement au secours d'un ami professeur africain-américain à Harvard, Henry Louis Gates, qui avait été arrêté par la police sur un malentendu (ce professeur revenant d'un séjour en Chine avait trouvé la serrure de la porte d'entrée de sa maison de Cambridge, Massachusetts, bloquée (sans doute suite à une tentative d'effraction en son absence, a t'il observé plus tard). Avec l'aide son chauffeur, il essayait de forcer la porte de sa propre maison lorsqu'une voisine a apellé le numéro d'urgence 911. A la suite de cet appel, le sergent Crowley est arrivé sur place, croyant qu'il s'agissait d'une tentative de cambriolage. Gates lui ayant affirmé qu'il s'agissait de sa propre maison, Crowley lui a demandé de produire des papiers d'identité justifiant de son domicile, ce que Gates a fini par faire en sortant sa carte de professeur à Harvard, mais en répétant à Crowley qu'il l'arrêtait parce qu'il était noir, qu'il voulait son nom et son matricule, qu'il était professeur à Harvard et qu'il allait entendre parler de lui. Crowley ne lui ayant donné ni l'un ni l'autre, Gates s'est énervé et l'a invectivé, lui disant--selon les enregistrements de police--alors que Crowley lui avait demandé de sortir dans le jardin et de se rapprocher de la voiture de police "oui, je vais sortir dans le jardin et je vais parler à ta maman". Crowley a estimé que Gates se rendait coupable de "disorderly conduct" (conduite désordonnée) sur la voix publique et l'a embarqué au poste où il a été gardé plusieurs heures, et d'où son avocat l'a fait libérer. Obama est intervenu immédiatement pour qualifier le comportement de la police de "stupide", les policiers concernés ont répondu qu'ils n'ont fait que suivre les procédures standard d'intervention en vigueur dans ce genre de situation et lorsqu'une personne interpellée se montre agressive avec les policiers. Le président s'est ensuite rétracté et excusé auprès des policiers et a invité les deux parties à boire une bière avec lui à la Maison-Blanche pour faire la paix. Ca a l'air d'un incident anodin, mais certains Américains y ont vu la preuve que BO se portait au secours des membres de sa communauté ayant eu un problème avec les forces de l'ordre d'une façon aveugle et inconditionnelle, sans réfléchir, en un réflexe spontané de solidarité communautariste, qu'il n'était pas le président de tous les Américains mais faisait passer avant tout la défense de son groupe. Plus récemment, une loi a été passée en Arizona, défendue par la gouverneur de l'état Jan Brewer, qui autorise les officiers de police ayant interpellé un individu pour un délit quelconque ("lawful stop")de vérifier son statut légal en lui demandant de produire une pièce officielle d'identité, permis de conduire, carte de séjour ou autre. Cette loi devait entrer en vigueur le 29 juillet mais l'administration Obama l'a attaquée entretemps en Cour fédérale, arguant du fait qu'en passant cette loi concernant l'immigration, l'état d'Arizona a empiété sur les pouvoirs du gouvernement fédéral, qui seul a théoriquement le droit de légiférer sur les questions d'immigration. L'autre cause d'invalidité invoquée par le gouvernement BO est que cette loi encourage le "racial profiling" c'est-à-dire incite les policiers à sélectionner les individus auxquels ils demanderont de produire des documents d'identité sur la base de leur appartenance ethnique. Dix-neuf gouverneurs d'états démocrates ont exprimé leur mécontentement à la Maison-Blanche au sujet de cette action en justice, tous devront remettre leur siège en jeu lors des prochaines élections de Novembre, et ils estiment que la décision de la Maison Blanche de poursuivre en justice pour obtenir l'invalidation de cette loi risque de leur faire perdre ces élections. Ceci alors que la situation économique et le chômage restent préoccupants et que le seul dossier que devrait défendre l'administration Obama dans ces élections devrait être, selon eux, celui des réformes économiques et de la sortie de crise. A leurs yeux, l'action en justice de la présidence est actuellement "toxique" et devrait être abandonnée. Dans ces élections, 19 gouverneurs, 36 sénateurs et la totalité de la Chambre des représentants devront être renouvelés. Ceci les inquiète d'autant plus qu'un sondage réalisé en juillet par CBS portant sur 1054 sondés fait apparaître que 69% des personnes interrogées soutiennent cette loi, 17% d'entre eux estimant même que la loi ne va pas assez loin. L'immigration massive d'illégaux en provenance du Mexique a créé une situation de crise dans plusieurs états US qui partagent une frontière avec ce pays. L'Arizona , pour une population totale de 6,5 millions environ, abrite ainsi quelque 460 000 illégaux, ce qui met à rude épreuve le système de protection sociale et les services d'assitance médicale gratuite de l'état, qui en moins de deux ans ont vu se multiplier par 4 les patients traités. Récemment--je l'avais déjà mentionné sur ce forum--un rancher de l'Arizona a été assassiné par un immigrant illégal, ce qui a suscité une vive émotion chez les habitants. Qui plus est, 17 autres états ont en préparation des législations similaires, dont au moins 3 ont des chances de passer dans les nouvelles chambres qui entreront en activité en 2011 suite aux élections de novembre. Ces états sont l'Oklahoma, en pointe dans la répression de l'immigration illégale, et dont le gouverneur républicain Randy Terrill a défendu une loi autorisant l'état à saisir les entreprises employant des immigrants illégaux, loi pour laquelle il a obtenu un soutien bipartisan. Des lois similaires ont été votées en Utah (gouverneur Gary Herbert, Rep.) et en Caroline du Sud (gouverneur Mark Sanford, Rep.) qui respectivement font un crime d'héberger ou d'employer des immigrants illégaux et autorisent la police a vérifier le statut légal des individus arrêtés. Electoralement, BO a fait un pari: apparaître comme le défenseur des minorités, pari risqué car le problème est que cela risque de lui aliéner un nombre important d'électeurs blancs. Comme ce long post (mais le sujet est complexe) est basé sur une dizaine d'articles en anglais, contrairement à mon habitude, je ne donne pas de liens.
Dernière édition par Tonr le Jeu 22 Juil 2010 15:53, édité 2 fois.
|