Satan a écrit:
Comment font ils en Allemagne, Suède etc...
Satan, poser la question sur un forum de géopolitique c'est y répondre: tous les pays du monde n'ont pu hériter d'un bassin houiller et ferreux considérable sur lequel s'est construit en majeur partie la Ruhr depuis le milieu du XIXè siècle, et qui par la suite va permettre le déploiement d'une industrie lourde et de pointe par conséquent très puissante, et de surcroît monopolistique. C'est certes une providence et un legs de l'histoire qui donna à l'Allemagne un avantage adaptatif déterminant, notamment en environnement actuel d'ultra-concurrence.
Vouloir le transposer à d'autres sans autre forme de procès est une vue de l'esprit bien commode, mais qui ne tient aucun compte des contingences historiques pourtant fondamentales. A la rigueur pourrait-on accuser ses partenaires européens (et en premier la France) de ne pas s'être adapté au modèle social rhénan, considéré par certains comme efficace et une alternative au capitalisme financier anglo-saxon. Mais, là encore, c'est faire fi du patrimoine culturel germanique (et celui des autres !), du temps long qui lui est spécifique et qui a façonné outre-Rhin et le modèle économique, et les relations entre partenaires sociaux.
Satan a écrit:
En réalité, on a laissé tomber l'industrie en France car l'on pensait qu'il s'agissait d'un processus naturel comme auparavant avec le secteur primaire et que la net économie (le secteur quaternaire) allait prendre le relai...
Votre comparaison d'avec le secteur primaire n'est pas pertinente, dans la mesure où l'on produit certainement autant, sinon beaucoup plus de quintaux de blé aujourd'hui avec dix ou quinze fois moins de paysans que part le passé. La différence essentielle avec le phénomène incontestable de désindustrialisation est que la production agricole se situe toujours sur notre territoire: elle n'est pas partie s'expatrier ailleurs !
Or, contrairement à ce que beaucoup veulent nous faire croire à dessein:
1/ Ce n'est certainement pour opérer des gains de productivité substantiels sur le travail que les multinationales (et pas que ces dernières d'ailleurs, mais toutes les entreprises qui y trouvent un avantage, et quel avantage...) vont réaliser en se délocalisant dans des sphères économiques à moindre coût (ou en créant
directement là-bas, on l'oublie bien souvent, et les usines et les emplois y afférent): elles y vont prioritairement pour la raison de
maximaliser le rendement du capital investit.
Et aussi - mais seulement dans un second temps - pour conserver un avantage concurrentiel vis à vis de leurs concurrents potentiels qui, le supposent-ils du moins, ne se priveront pas, eux, de tirer les premiers. Un reflex moutonnier en somme, mais tout à fait logique du point de vue de la rationalité économique (aussi mis en valeur "avec brio" au sein de la sphère financière). C'est donc également un reflex du point de vue de la survie économique de ces entreprises. Car un meilleur rendement de l'une provoque inéluctablement à terme le rachat ou la faillite de l'autre (ou des autres), ce qui revient à la même chose.
2/ La majeur partie des emplois industriels détruis en France n'ont pas disparu, remplacés par des machines ou des logiciels. La majeur partie des emplois industriels en France ont été vecteurs
de création nette d'emploi (mis en évidence par le rapport Demmou) au sein des pays émergents, Chine en tête. Sans compter tous les emplois non-crées sur notre territoire du fait des distorsions de concurrence liées, encore une fois, au coût du travail entre sphère socio-économiques radicalement hétérogènes. Ce qui en terme d'emploi est tout à fait considérable (2 millions d'emplois perdus, dont une fraction seulement l'aurait été pour raison d'automatisation/automation).
3/ La crise des dépenses publiques en France
et partout en occident -
ce qui annihile définitivement l'argument selon lequel l'état de nos finances publiques serait principalement du à la gabegie du modèle français par trop "socialisant" - est avant toute chose une crise des recettes publiques, et non pas des dépenses (mais l'on voit bien là l'objet de la manipulation sémantique). Présentation délibérément trompeuse et pitoyable défausse idéologique qui a pour but de dissimuler les effets directs induits par la vulgate néolibérale sur le champ budgétaire et bientôt social: la course (ou le chantage, au choix) effrénée à la baisse des prélèvements obligatoires notamment les plus progressifs, c'est à dire les moins injustes. Dont on voit bientôt les résultats concrets dans toute une série de pays les plus acquis aux dogmes néolibéraux, dont l'Irlande en faillite (32% de déficit public pour l'année en cours, excusez du peu) est le superbe archétype. Mais je suis sûr que les libéraux seront encore capables (puisque eux seuls le sont, n'est-il pas?
) de faire passer l'Irlande pour un parangon à la sauce soviétique !
Par conséquent, puisqu'il est à présent démontré que ce n'est logiquement pas les modèles socio-économiques occidentaux, "relativement" différents, qui occasionnent cette spirale d'un endettement chronique (puisque non en mesure d'expliquer cette permanence chez chacun des différents acteurs), on en vient à penser que peut-être, outre le consumérisme qui effectivement nous frappe (mais comme il frappe tout autant en Chine ou en Corée du sud, qui ne sont pourtant pas criblées de dettes), le libre-échange à l'échelle globale et la dérégulation voulue par les détenteurs de capitaux et leurs faire-valoir médiatiques (je n'ose dire leurs cautions intellectuelles tellement ils ont failli), les néolibéraux donc, sont en grande partie responsable de ces déséquilibres macro-socio-économiques délétères. Et dont pourtant un certain nombre fait semblant d'en attribuer la paternité aux pseudo-dérives d'un étatisme plus que moribond ! C'est se moquer grossièrement du monde.
P.S/
http://www.minefe.gouv.fr/directions_se ... 010-01.pdf