Arkoline a écrit:
Si la hausse des taux est un vrai problème, pourquoi la récession aux E-U en 2008 n'a-t-elle pas été suivie d'une vigoureuse reprise économique à partir de l'automne 2008 ?
Parce que les banques se sont trouvées avec des portefeuilles de titres dont elles ignoraient totalement quelle proportion était composée d'avoirs toxiques. Une banque qui ne sait pas combien elle a exactement en caisse va se montrer très prudente.
Peu importe le niveau des taux, elle ne prêtera qu'à des gens solvables. Hors les assurances et les particuliers ont le même problème avec leur propre portefeuille. Comment voulez-vous qu'une relance rapide se produise à brève échéance, dans ces conditions...
Il faut quand même se représenter l'opération de voleurs qu'a été le système des subprimes. J'ai entendu Rocard, le révolutionnaire bien connu, dire que cette crise a été déclenchée par la malhonnêteté des banques américaines.
L'idée c'est d'endetter des gens avec des bas revenus, à 40% ou même 50% de leur revenu, en leur faisant miroiter l'achat d'une maison. (Le calcul sournois là derrière, c'est que s'ils n'y arrivent pas, on saisira et vendra la maison et on se paiera sur la bête. Il n'y a aucun risque.)
On les endette donc, et évidemment avec un taux variable indexé sur celui de la Fed. Du coup, quand celle-ci remonte ses taux, les malheureux sont immédiatement étranglés. Saisie de la maison, mais comme tout le monde a joué ce jeu là, ce sont plusieurs millions de foyers dans la même situation, et donc les maisons saisies se révèlent invendables. (où seraient les acheteurs ?)
Hors quand les banques se transforment en escrocs et se couvrent, elles ne le font pas à moitié : conscientes que ces créances immobilières auprès de gens qu'on endettait à ce point n'étaient pas très sûres, au lieu d'assumer le risque, elles on "titrisé" ces créances. Un client de la banque, achetant un produit financier lambda, ne savait pas forcément que ce produit contenait des créances sur des prêts immobiliers dangereux.
Les banques ont en effet panaché ces titres avec d'autres plus solides, prétextant protéger ainsi leurs clients d'une perte de valeur totale, alors qu'en réalité elle ne faisaient que dissimuler une magouille qui avait pris une ampleur folle. il faut quand même se représenter que certaines sont allées jusqu'à faire signer des emprunts immobiliers "
Ninja", un acronyme pour des clients "No INcome, no Job, no Assets" : Sans revenu, sans travail, sans tirelire. Qui ne risquaient pas de rembourser quoi que ce soit. En somme, un clochard, une signature, et on a une créance immobilière - les remboursements futurs ! - à transformer très vite en titre immobilier et à panacher avec d'autres choses.
Ces produits panachés sont à leur tour mélangés avec d'autres, pour faire des produits différents, dans la gamme à proposer aux clients.
Lorsque le système explose, ce qui était parfaitement prévisible, n'importe quel employé travaillant sur les subprimes aurait pu le dire, (l'histoire de l'expert ultra-lucide qui a prévu le massacre, ça me fait sourire) tous les acteurs du marché : banques, assurances, fonds d'investissement, entreprises plaçant leur trésorerie ou leur épargne et particuliers, se retrouvent soudain dans la pire des situations : ils ne savent pas ce que vaut réellement ce qu'ils ont en portefeuille. Globalement, à l'échelle des USA, on sait dire combien de milliards ont été prêtés avec ce système, des milliards titrisés qui deviennent soudain très suspects, et aussi, plus immédiatement, on peut également compter l'argent déjà parti en fumée avec ces centaines de milliers de clients dont on a saisi la maison... invendable, sachant que ce n'est qu'un début et qu'il va y en avoir d'autres. Plusieurs millions, à l'atterrissage.
Dans ces conditions, tout le système financier est vérolé par les titres douteux. Et chacun de lancer des audits internes pour essayer de savoir combien de daube ils possèdent, mais évidemment ceux qui ont monté ces produits financiers soient ne se sont pas vanté du contenu... soit n'en savaient rien.
Et il va sans dire que la cotation de tout produit pouvant contenir des subprimes s'écroule en bourse (à Wall Street mais pas seulement : le marché est international) donc ces titres suspects, même parfois à tort, ne sont plus vendables, donc plus liquides. Avec cette baisse, ce sont encore des milliards qui s'en vont.
Il va sans dire que le seul remède pour chacun est de faire le gros dos, en attendant que cette crise se décante, et que s'écroulent les organismes crapuleux où les produits signés... sous les ponts !
Un reprise économique en octobre ? Avec quel argent ?
Pour tout arranger, grosse erreur d'Obama, qui laisse une grosse banque faire faillite (son ministre venait de la concurrence, j'ai oublié les noms, mais il réglait une vieille rivalité) banque qui l'avait certainement mérité, mais dont la chute jette un froid polaire sur les marchés : quoi, même une banque d'affaire aussi solide était bouffée aux termites ? Un jeudi noir, on entrevoit des faillites bancaires en chaîne, mais les états interviennent pour sauver les plus immédiatement menacées. Atterrissage brutal, mais les états ont évité le crash général. (L'expérience de la crise de 29 a joué.)
Il était bien question de reprise ! Un boulet pareil allait demander du temps à se reboucher. C'est le problème de toutes les crises financières : le temps nécessaire pour le retour de la confiance. Sur ce point, les états qui sont intervenus, le couteau sous la gorge, ont contribué sans aucun doute à diminuer la durée et la gravité de la crise.
Je suis peut-être en train d'expliquer des choses que vous saviez, Arkoline, mais votre étonnement que la reprise ne se soit pas réenclenchée rapidement... m'a surpris.