Thomas Piketty
« Capital et idéologie »
SOMMAIRE
Introduction
PREMIÈRE PARTIELES RÉGIMES INÉGALITAIRES DANS L'HISTOIRE1. Les sociétés ternaires : l’inégalité trifonctionnelle
2. Les sociétés d’ordres européennes : pouvoir et propriété
3. L’invention des sociétés de propriétaires
4. Les sociétés de propriétaires : le cas de la France
5. Les sociétés de propriétaires : trajectoires européennes
DEUXIÈME PARTIELES SOCIÉTÉS ESCLAVAGISTES ET COLONIALES6. Les sociétés esclavagistes : l’inégalité extrême
7. Les sociétés coloniales : diversité et domination
8. Sociétés ternaires et colonialisme : le cas de l’Inde
9. Sociétés ternaires et colonialisme : trajectoires eurasiatiques
TROISIÈME PARTIELA GRANDE TRANSFORMATION DU XXe SIÈCLE10. La crise des sociétés de propriétaires
11. Les sociétés sociales-démocrates : l’égalité inachevée
12. Les sociétés communistes et postcommunistes
13. L’hypercapitalisme : entre modernité et archaïsme
QUATRIÈME PARTIEREPENSER LES DIMENSIONS DU CONFLIT POLITIQUE14. La frontière et la propriété : la construction de l’égalité
15. Gauche brahmane : les nouveaux clivages euro-américains
16. Social-nativisme : le piège identitaire postcolonial
17. Éléments pour un socialisme participatif au XXIe siècle
Conclusion
Citation:
Plan du livre
La suite de ce livre est composée de quatre parties et de dix-sept chapitres. La première partie, intitulée « Les régimes inégalitaires dans l’histoire », est formée de cinq chapitres. Le chapitre 1 présente une introduction générale à l’étude des sociétés ternaires (ou trifonctionnelles), c’est-à-dire des sociétés organisées autour d’une tripartition en trois groupes fonctionnels (clergé, noblesse, tiers état). Le chapitre 2 analyse le cas des sociétés d’ordres européennes, fondées sur une forme d’équilibre entre les légitimités des élites intellectuelles et guerrières et des formes spécifiques de propriété et de rapports de pouvoir. Le chapitre 3 étudie l’invention des sociétés de propriétaires, notamment au travers de la césure emblématique de la Révolution française, qui tenta d’établir une séparation radicale entre le droit de propriété (réputé ouvert à tous) et les pouvoirs régaliens (désormais monopole étatique), et qui buta sur la question de l’inégalité de la propriété et de sa persistance. Le chapitre 4 analyse le développement d’une société de propriétaires hyperinégalitaire en France au XIXe siècle et jusqu’à la Première Guerre mondiale. Le chapitre 5 étudie les différentes variantes européennes de transition entre logiques trifonctionnelles et propriétaristes, en se focalisant notamment sur le cas du Royaume-uni et de la Suède, ce qui permet d’illustrer la multiplicité des trajectoires possibles, ainsi que l’importance des mobilisations collectives et des bifurcations politicoidéologiques dans la transformation des régimes inégalitaires.
La deuxième partie, intitulée « Les sociétés esclavagistes et coloniales », est composée de quatre chapitres. Le chapitre 6 s’intéresse aux sociétés esclavagistes, qui constituent la forme historique la plus extrême de régime inégalitaire. Je me pencherai notamment sur les abolitions du XIXe siècle et les formes de compensations aux propriétaires auxquelles elles ont donné lieu. Ces épisodes illustrent la force du régime de quasi-sacralisation de la propriété qui avait cours à l’époque, et dont est en partie issu le monde actuel. Le chapitre 7 étudie la structure des inégalités dans les sociétés coloniales postesclavagistes, moins extrêmes certes que dans les sociétés esclavagistes auxquelles elles ont succédé, mais qui ont également laissé des traces profondes dans la structure de l’inégalité contemporaine, aussi bien entre pays qu’à l’intérieur des pays. Les chapitres 8 et 9 examinent la façon dont la transformation des sociétés trifonctionnelles extraeuropéennes a été affectée par leur rencontre avec les puissances coloniales et propriétaristes européennes, en se focalisant tout d’abord sur le cas de l’Inde (où les divisions statutaires anciennes ont laissé des traces inhabituellement tenaces, en partie du fait de leur codification rigide par le colonisateur britannique), puis en se plaçant dans une perspective eurasiatique plus large (Chine, Japon, Iran).
La troisième partie, intitulée « La grande transformation du XXe siècle », comprend quatre chapitres. Le chapitre 10 analyse la chute des sociétés de propriétaires au XXe siècle, conséquence des deux guerres mondiales, de la crise des années 1930, et du défi du communisme et des indépendances, et plus encore des mobilisations collectives et idéologiques (notamment sociales-démocrates et syndicales) en gestation depuis la fin du XIXe siècle pour refonder un régime inégalitaire plus juste que le propriétarisme. Le chapitre 11 étudie les acquis et les limites des sociétés sociales-démocrates qui se sont mises en place à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, et en particulier les limitations qui ont été les leurs pour repenser les conditions d’une propriété juste, faire face au défi inégalitaire de l’enseignement supérieur et étendre la question de la redistribution à l’échelle transnationale.
Le chapitre 12 examine les sociétés communistes et postcommunistes, à la fois dans leurs variantes russe, chinoise et est-européenne, et la façon dont le postcommunisme a contribué à nourrir les dérives inégalitaires et identitaires récentes. Le chapitre 13 remet en perspective le régime hypercapitaliste inégalitaire mondial actuel, entre modernité et archaïsme, en insistant sur son incapacité à prendre la mesure des crises inégalitaires et environnementales qui le minent.
La quatrième partie, intitulée « Repenser les dimensions du conflit politique », est composée de quatre chapitres, dans lesquelles j’étudie l’évolution de la structure socio-économique des électorats des différents partis et mouvements politiques depuis le milieu du XXe siècle, et les perspectives de recompositions futures. Le chapitre 14 étudie les conditions de la formation historique puis de la disparition d’une coalition électorale égalitaire, c’est-à-dire fondée sur une plate-forme redistributrice assez convaincante pour rassembler les classes populaires issues de différentes origines, en commençant par le cas de la France. Le chapitre 15 montre comment le processus de désagrégation-gentrification-brahmanisation de la coalition sociale-démocrate de l’après-guerre s’est également produit aux États-unis et au Royaume-uni, ce qui suggère des causes structurelles communes. Le chapitre 16 étend l’analyse aux autres démocraties électorales occidentales, à l’Europe de l’est, à l’Inde et au Brésil. J’y étudie la formation d’un véritable piège social-nativiste en ce début de XXIe siècle.
J’insiste sur la façon dont les dérives identitaires actuelles sont alimentées par l’absence d’une plate-forme égalitaire et internationaliste suffisamment forte pour lui faire contrepoids, autrement dit l’absence d’un véritable social-fédéralisme crédible. Le chapitre 17 tente de tirer les leçons des expériences historiques relatées dans les chapitres et parties précédentes, et de présenter les contours d’un possible socialisme participatif pour le XXIe siècle. J’analyse en particulier les formes que pourrait prendre une propriété juste, avec deux piliers principaux : d’une part, un réel partage du pouvoir et des droits de vote dans les entreprises, permettant d’instituer la propriété sociale et d’aller au-delà de la cogestion et de l’autogestion ; et d’autre part, un impôt fortement progressif sur la propriété, permettant de financer une dotation en capital significative à chaque jeune adulte et de mettre en place une forme de propriété temporaire et de circulation permanente des patrimoines. Je traiterai également de la question de l’éducation juste et de l’impôt juste, et du besoin de garantir par la transparence et le contrôle citoyen la justice éducative comme la justice fiscale.
J’examinerai enfin les conditions d’une démocratie juste et d’une frontière juste. La question centrale est ici celle d’une organisation alternative de l’économie-monde, permettant de développer grâce au social-fédéralisme des formes nouvelles de solidarité fiscale, sociale et environnementale, à la place des traités de libre circulation des biens et des capitaux qui tiennent lieu aujourd’hui de gouvernance mondiale.