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 Sujet du message: Re: Les inégalités économiques
MessagePosté: Mer 12 Fév 2020 00:34 
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Inscription: Dim 5 Jan 2020 00:51
Messages: 89
Je n'ai pas lu le livre de Piketty. Dans le Figaro on peut apprécier cette critique de "Capital et idéologie". Ce qui est frappant pour le Figaro, c’est que la notion de liberté soit entièrement absente de l'ouvrage de Thomas Piketty.


Le 12 septembre est paru le nouveau pavé de Thomas Piketty intitulé "Capital et idéologie" dont l’objet est de percer les dogmes qui étayent les inégalités. L’auteur qui prône ce qu’il appelle le «socialisme participatif», par opposition au socialisme soviétique, sur fond d’antilibéralisme.
Il s’agit rien moins que d’«abolir» le capitalisme avec à la clef un certain nombre de propositions radicales: cogestion des entreprises, dotation universelle en capital à toute personne âgée de 25 ans, impôt fortement progressif sur la propriété avec un taux marginal de 90 %, taxe carbone individuelle et progressive pour mesurer la consommation de chacun, création d’un «cadastre financier international».
Cette dernière proposition confirme que la construction du socialisme dans un seul pays est impossible. En effet, malheureusement pour ses tenants, les individus peuvent «voter par les pieds», autrement dit émigrer. La réglementation doit donc en réalité être la même au sein des différents pays si l’on veut que la «justice fiscale» et la «justice climatique» règnent.
Car Monsieur Piketty n’aime ni les inégalités (confinées comme toujours aux inégalités de patrimoine) ni la propriété privée (qu’il faut «dépasser» en instituant une propriété «sociale et temporaire») ni les riches (il n’y en aura plus). En fait de propositions novatrices pour le XXIe siècle, son programme fleure bon le socialisme passéiste et suranné, celui que voulait encore le Parti socialiste en 1971 lorsqu’il réclamait la substitution progressive de la «propriété sociale» à la propriété capitaliste.
L’argumentation purement utilitariste de l’économiste au sujet des milliardaires vaut le détour: «comment peut-on soutenir que leur existence soit nécessaire à l’intérêt général?» Des propos inquiétants qui rappellent quelques périodes troublées de l’histoire de France lors desquelles certaines catégories de citoyens furent stigmatisées… Mais allons plus loin: «Leur enrichissement a été obtenu grâce à ces biens collectifs que sont les connaissances publiques, les infrastructures, etc.». Il serait difficile qu’il en soit autrement puisque, selon Thomas Piketty, les «services publics» doivent être gérés par l’État, à commencer par les universités.
À la base de cette idéologie se trouve une pensée typiquement solidariste: les mérites individuels s’effacent parce que, en dernier lieu, nous devons tout à la «société». Monsieur Piketty lui-même ne doit pas avoir de mérite à être normalien et docteur en économie, pas plus qu’il ne doit en avoir à publier de volumineux ouvrages…
Ce qui est frappant, c’est que la notion de liberté soit entièrement absente. De manière révélatrice, aucune mention n’est faite aux droits de l’homme: l’idée que l’individu soit propriétaire de lui-même, donc de ses œuvres, n’effleure même pas l’esprit de Thomas Piketty. L’idée qu’en portant atteinte au droit de propriété en imposant annuellement et progressivement le patrimoine jusqu’à 90 % (pourquoi pas 95 ou plutôt 100 %?) on sombre dans l’arbitraire, ne lui vient pas plus à l’esprit. Pourtant, il aurait dû se souvenir que - ainsi que l’écrivait Benjamin Constant - l’arbitraire sur la propriété provoque l’arbitraire sur la personne, car «le mépris pour la fortune des hommes suit de près le mépris pour leur sûreté et pour leur vie». Le programme concocté par notre économiste anticipe, quelles que soient ses intentions, une société de nature totalitaire: mépris de la propriété, «flicage» écologique, protectionnisme et égalitarisme forcené.
Une progressivité d’impôt à 90 % s’appelle en français de tous les jours une spoliation. Or, ce qui importe, ce n’est pas d’appauvrir les riches, au surplus de manière arbitraire, mais d’enrichir les pauvres. C’est ce que fait le capitalisme avec bonheur depuis plusieurs siècles maintenant, n’en déplaise à Monsieur Piketty.


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 Sujet du message: Re: Les inégalités économiques
MessagePosté: Lun 17 Fév 2020 04:06 
Je reviens à l'ouvrage de Branko MILANOVIC et son célèbre graphique en forme d’éléphant.

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 Sujet du message: Re: Les inégalités économiques
MessagePosté: Sam 22 Fév 2020 02:47 
François Bourguignon est professeur à Paris School of Economics.
L'inégalité est un phénomène complexe. Voyons cela dans cet article publié en septembre 2019.


Citation:
Stabilité ou augmentation des inégalités ?
Par Francois Bourguignon
Publié le 26 sept. 2019

L'étude récente de l'Insee concluant à une stabilité de l'inégalité des niveaux de vie au cours de ces dernières années méritait plus d'écho dans les médias. Face à l'idée reçue dans l'opinion que l'inégalité augmente de manière continue partout dans le monde, la stabilité observée en France, mais aussi dans d'autres économies avancées, est à souligner. De façon moins positive, le fait que cette évolution soit due avant tout à la redistribution et que l'inégalité des revenus primaires soit, elle, en hausse depuis la crise de 2008, valait aussi d'être mis en avant.
Le niveau de vie d'une personne est défini par le revenu disponible du ménage auquel elle appartient, divisé par le nombre de membres du ménage, lui-même corrigé pour tenir compte des consommations collectives et des besoins moins élevés des enfants. A l'exception d'un pic au cours des trois années qui ont suivi la crise de 2008, les indicateurs d'inégalité de niveau de vie rapportés par l'Insee ont été à peu près stables depuis le tournant du millénaire. Ils sont en 2017, dernière année connue, au même niveau qu'en 1999. Ces indicateurs étant basés sur des échantillons de ménages, ils sont entachés d'erreur statistique. Lorsque celle-ci est prise en compte, et en dehors du pic de l'après-crise, les variations observées depuis une vingtaine d'années apparaissent en fait peu significatives .
La pauvreté relative concerne l'inégalité dans le bas de la distribution des niveaux de vie. Mesurée par la proportion de personnes dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau médian, soit 1.041 euros mensuels en 2017, elle présente le même caractère de stabilité. Elle fluctue depuis une vingtaine d'années de façon probablement non significative entre 13 % et 14 %, à l'exception d'un léger creux vers le milieu des années 2000, au plus fort de la croissance qui a précédé la récession.
L'étude de l'Insee présente cependant des aspects plus négatifs. En premier lieu, la stabilité de l'inégalité s'accompagne d'une stagnation des niveaux de vie eux-mêmes. Le niveau médian, 1.735 euros mensuels en 2017, est pratiquement le même, à prix constants, qu'en 2008 et a peu changé durant les années intermédiaires. En revanche, les plus pauvres ont connu des baisses sensibles durant la récession et n'avaient pas encore complètement récupéré leur niveau de vie initial en 2017. La France n'avait pas connu une stagnation aussi longue des niveaux de vie depuis pratiquement la Seconde Guerre mondiale, évolution d'autant plus ressentie qu'elle rompait avec une évolution de la croissance au taux moyen de 1,5 % par an durant les décennies précédentes. La baisse initiale et la très lente récupération, plus que l'inégalité, expliquent pour partie les tensions sociales actuelles.
Le second fait inquiétant révélé par les statistiques de l'Insee est que la stabilité de l'inégalité observée résulte dans une large mesure de la redistribution . Les revenus primaires, c'est-à-dire avant impôts et transferts, sont en effet devenus plus inégaux. Le rapport du décile de niveau de vie le plus riche au décile le plus pauvre est aujourd'hui de 20 % supérieur à ce qu'il était avant la crise, augmentation qui, en outre, doit beaucoup à la chute du niveau de vie primaire des plus pauvres. Sans transferts sociaux, le niveau de vie du premier décile aurait chuté presque sans discontinuer de près de 15 % au total, tandis que, sans impôt, celui du dernier décile aurait crû de 4 % au lieu de rester inchangé.
L'inégalité est un phénomène complexe. La perception de son évolution dans un contexte économique et social donné peut différer des mesures fournies par les statisticiens si l'opinion se concentre sur une dimension qu'elles ne couvrent pas. La hausse continue de l'inégalité que ressent une grande partie de l'opinion malgré la stabilité observée de l'inégalité des niveaux de vie pourrait ainsi s'expliquer par la hausse effective de l'inégalité primaire dans un contexte de stagnation du pouvoir d'achat . Mais elle peut aussi correspondre à d'autres composantes de l'inégalité : les salaires, les patrimoines ou la baisse de la mobilité sociale.


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 Sujet du message: Re: Les inégalités économiques
MessagePosté: Mar 12 Mai 2020 21:56 
https://www.lesechos.fr/economie-france ... us-1202248
Selon l'Insee, 43 % des ménages à très hauts revenus résident en Ile-de France, dont 20 % vivent dans Paris et 10 % dans les Hauts-de-Seine. Les territoires frontaliers, avec la Suisse notamment, concentrent aussi une part élevée des ménages parmi les 1 % les plus aisés.


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 Sujet du message: Re: Les inégalités économiques
MessagePosté: Ven 5 Mar 2021 23:46 
Thomas Piketty
« Capital et idéologie »


SOMMAIRE

Introduction
PREMIÈRE PARTIE
LES RÉGIMES INÉGALITAIRES DANS L'HISTOIRE
1. Les sociétés ternaires : l’inégalité trifonctionnelle
2. Les sociétés d’ordres européennes : pouvoir et propriété
3. L’invention des sociétés de propriétaires
4. Les sociétés de propriétaires : le cas de la France
5. Les sociétés de propriétaires : trajectoires européennes
DEUXIÈME PARTIE
LES SOCIÉTÉS ESCLAVAGISTES ET COLONIALES
6. Les sociétés esclavagistes : l’inégalité extrême
7. Les sociétés coloniales : diversité et domination
8. Sociétés ternaires et colonialisme : le cas de l’Inde
9. Sociétés ternaires et colonialisme : trajectoires eurasiatiques
TROISIÈME PARTIE
LA GRANDE TRANSFORMATION DU XXe SIÈCLE
10. La crise des sociétés de propriétaires
11. Les sociétés sociales-démocrates : l’égalité inachevée
12. Les sociétés communistes et postcommunistes
13. L’hypercapitalisme : entre modernité et archaïsme
QUATRIÈME PARTIE
REPENSER LES DIMENSIONS DU CONFLIT POLITIQUE
14. La frontière et la propriété : la construction de l’égalité
15. Gauche brahmane : les nouveaux clivages euro-américains
16. Social-nativisme : le piège identitaire postcolonial
17. Éléments pour un socialisme participatif au XXIe siècle
Conclusion



Citation:
Plan du livre
La suite de ce livre est composée de quatre parties et de dix-sept chapitres. La première partie, intitulée « Les régimes inégalitaires dans l’histoire », est formée de cinq chapitres. Le chapitre 1 présente une introduction générale à l’étude des sociétés ternaires (ou trifonctionnelles), c’est-à-dire des sociétés organisées autour d’une tripartition en trois groupes fonctionnels (clergé, noblesse, tiers état). Le chapitre 2 analyse le cas des sociétés d’ordres européennes, fondées sur une forme d’équilibre entre les légitimités des élites intellectuelles et guerrières et des formes spécifiques de propriété et de rapports de pouvoir. Le chapitre 3 étudie l’invention des sociétés de propriétaires, notamment au travers de la césure emblématique de la Révolution française, qui tenta d’établir une séparation radicale entre le droit de propriété (réputé ouvert à tous) et les pouvoirs régaliens (désormais monopole étatique), et qui buta sur la question de l’inégalité de la propriété et de sa persistance. Le chapitre 4 analyse le développement d’une société de propriétaires hyperinégalitaire en France au XIXe siècle et jusqu’à la Première Guerre mondiale. Le chapitre 5 étudie les différentes variantes européennes de transition entre logiques trifonctionnelles et propriétaristes, en se focalisant notamment sur le cas du Royaume-uni et de la Suède, ce qui permet d’illustrer la multiplicité des trajectoires possibles, ainsi que l’importance des mobilisations collectives et des bifurcations politicoidéologiques dans la transformation des régimes inégalitaires.
La deuxième partie, intitulée « Les sociétés esclavagistes et coloniales », est composée de quatre chapitres. Le chapitre 6 s’intéresse aux sociétés esclavagistes, qui constituent la forme historique la plus extrême de régime inégalitaire. Je me pencherai notamment sur les abolitions du XIXe siècle et les formes de compensations aux propriétaires auxquelles elles ont donné lieu. Ces épisodes illustrent la force du régime de quasi-sacralisation de la propriété qui avait cours à l’époque, et dont est en partie issu le monde actuel. Le chapitre 7 étudie la structure des inégalités dans les sociétés coloniales postesclavagistes, moins extrêmes certes que dans les sociétés esclavagistes auxquelles elles ont succédé, mais qui ont également laissé des traces profondes dans la structure de l’inégalité contemporaine, aussi bien entre pays qu’à l’intérieur des pays. Les chapitres 8 et 9 examinent la façon dont la transformation des sociétés trifonctionnelles extraeuropéennes a été affectée par leur rencontre avec les puissances coloniales et propriétaristes européennes, en se focalisant tout d’abord sur le cas de l’Inde (où les divisions statutaires anciennes ont laissé des traces inhabituellement tenaces, en partie du fait de leur codification rigide par le colonisateur britannique), puis en se plaçant dans une perspective eurasiatique plus large (Chine, Japon, Iran).
La troisième partie, intitulée « La grande transformation du XXe siècle », comprend quatre chapitres. Le chapitre 10 analyse la chute des sociétés de propriétaires au XXe siècle, conséquence des deux guerres mondiales, de la crise des années 1930, et du défi du communisme et des indépendances, et plus encore des mobilisations collectives et idéologiques (notamment sociales-démocrates et syndicales) en gestation depuis la fin du XIXe siècle pour refonder un régime inégalitaire plus juste que le propriétarisme. Le chapitre 11 étudie les acquis et les limites des sociétés sociales-démocrates qui se sont mises en place à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, et en particulier les limitations qui ont été les leurs pour repenser les conditions d’une propriété juste, faire face au défi inégalitaire de l’enseignement supérieur et étendre la question de la redistribution à l’échelle transnationale.
Le chapitre 12 examine les sociétés communistes et postcommunistes, à la fois dans leurs variantes russe, chinoise et est-européenne, et la façon dont le postcommunisme a contribué à nourrir les dérives inégalitaires et identitaires récentes. Le chapitre 13 remet en perspective le régime hypercapitaliste inégalitaire mondial actuel, entre modernité et archaïsme, en insistant sur son incapacité à prendre la mesure des crises inégalitaires et environnementales qui le minent.
La quatrième partie, intitulée « Repenser les dimensions du conflit politique », est composée de quatre chapitres, dans lesquelles j’étudie l’évolution de la structure socio-économique des électorats des différents partis et mouvements politiques depuis le milieu du XXe siècle, et les perspectives de recompositions futures. Le chapitre 14 étudie les conditions de la formation historique puis de la disparition d’une coalition électorale égalitaire, c’est-à-dire fondée sur une plate-forme redistributrice assez convaincante pour rassembler les classes populaires issues de différentes origines, en commençant par le cas de la France. Le chapitre 15 montre comment le processus de désagrégation-gentrification-brahmanisation de la coalition sociale-démocrate de l’après-guerre s’est également produit aux États-unis et au Royaume-uni, ce qui suggère des causes structurelles communes. Le chapitre 16 étend l’analyse aux autres démocraties électorales occidentales, à l’Europe de l’est, à l’Inde et au Brésil. J’y étudie la formation d’un véritable piège social-nativiste en ce début de XXIe siècle.
J’insiste sur la façon dont les dérives identitaires actuelles sont alimentées par l’absence d’une plate-forme égalitaire et internationaliste suffisamment forte pour lui faire contrepoids, autrement dit l’absence d’un véritable social-fédéralisme crédible. Le chapitre 17 tente de tirer les leçons des expériences historiques relatées dans les chapitres et parties précédentes, et de présenter les contours d’un possible socialisme participatif pour le XXIe siècle. J’analyse en particulier les formes que pourrait prendre une propriété juste, avec deux piliers principaux : d’une part, un réel partage du pouvoir et des droits de vote dans les entreprises, permettant d’instituer la propriété sociale et d’aller au-delà de la cogestion et de l’autogestion ; et d’autre part, un impôt fortement progressif sur la propriété, permettant de financer une dotation en capital significative à chaque jeune adulte et de mettre en place une forme de propriété temporaire et de circulation permanente des patrimoines. Je traiterai également de la question de l’éducation juste et de l’impôt juste, et du besoin de garantir par la transparence et le contrôle citoyen la justice éducative comme la justice fiscale.
J’examinerai enfin les conditions d’une démocratie juste et d’une frontière juste. La question centrale est ici celle d’une organisation alternative de l’économie-monde, permettant de développer grâce au social-fédéralisme des formes nouvelles de solidarité fiscale, sociale et environnementale, à la place des traités de libre circulation des biens et des capitaux qui tiennent lieu aujourd’hui de gouvernance mondiale.


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