A ce jour, on n'a rien trouvé de mieux que l'endettement et le financement des déficits budgétaires par la création monétaire pour faire face aux grandes crises économiques.
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Comment soutenir l'économie quand l'activité s'effondre
Par Patrick Artus
Publié le 17 avr. 2020
L'Europe et les Etats-Unis sont confrontés, depuis mars 2020, et ce pour quelques mois, à l'effondrement de la production. Au premier trimestre, les chiffres disponibles montrent que le PIB de la Chine a reculé de 15 à 20 %. Mais le recul pourrait être pire dans les pays européens et aux Etats-Unis si le confinement des populations est strict et global.
Les gouvernements interviennent pour éviter les faillites d'entreprises, verser un revenu aux salariés et travailleurs indépendants qui n'ont plus de travail, garantir les crédits bancaires, nationaliser certaines entreprises ; puis relancer la croissance après la crise. Il faut donc envisager une hausse considérable des déficits publics.
De quelles ressources l'Etat peut-il disposer pour réaliser ce financement ? Il n'est pas possible, bien sûr, d'accroître les impôts, ce qui serait contre-productif, en affaiblissant encore plus l'économie. Il n'est pas possible non plus d'utiliser le patrimoine financier ou immobilier du secteur privé (actions, obligations, immobilier), ce qui pourtant a été évoqué. En effet, l'Etat a besoin de liquidités (de cash) pour payer des dépenses supplémentaires, et il faudrait donc vendre ce patrimoine, ce qui aurait comme effet de faire s'effondrer les prix des actifs concernés. Les réserves financières des assureurs, en particulier, ne peuvent donc pas être saisies.
On en revient donc à des moyens plus conventionnels. Le premier est simplement d'augmenter l'endettement public de l'Etat, avec des émissions obligataires qui couvrent le déficit. Normalement, dans une forte récession, la marge de manoeuvre budgétaire est accrue par le fait que les épargnants se détournent des actifs risqués et reviennent vers les actifs sans risque, dont les dettes publiques.
Mais on a pu observer avec inquiétude que, avant que les banques centrales (la Réserve fédérale, la BCE) annoncent des programmes supplémentaires d'achat de dettes publiques, les taux d'intérêt à long terme avaient augmenté dans tous les pays, y compris aux Etats-Unis et dans les pays du coeur de la zone euro. Ceci indique que les marges de manoeuvre budgétaires ne sont pas si importantes.
Si c'est le cas, le seul moyen pour financer un déficit public très important est de faire monétiser ce déficit par la Banque centrale, de lui faire acheter les dettes publiques supplémentaires émises. C'est bien la piste choisie aujourd'hui aux Etats-Unis et dans la zone euro.
Mais quelle est la limite à cette création monétaire ? Si la Banque centrale augmente considérablement l'offre de monnaie, tout se passe bien tant que la demande de monnaie par les agents économiques (ménages, entreprises, intermédiaires financiers, investisseurs) augmente autant que l'offre de monnaie.
Dans cette récession, la demande de monnaie augmente fortement, ce qui va dans le bon sens, puisque les agents économiques, par prudence, accroissent leur détention d'actifs monétaires. Cette politique de monétisation des déficits publics échoue quand le supplément de monnaie affecté n'est pas demandé, que les agents économiques essaient de se débarrasser de ce surplus de monnaie en achetant des actifs refuge (or, immobilier, franc suisse...). Nous en sommes certainement assez loin aujourd'hui.