J'alimente encore cette révolution des rapports de force avec quelques lignes sur l'évolution des marines asiatiques, et en particulier celle de la Corée du Sud:
Citation:
L’émergence navale de l’Asie est toutefois la réalité structurante des deux premières décennies du XXIe siècle, et est désormais bien entamée : et si la place de leader restera aux États-Unis, les quatre autres marines du « top 5 » naval seront bientôt toutes asiatiques : Chine, Japon, Corée du Sud se disputeront les premiers rôles, l’Inde arrivant juste après. La Marine nationale, première marine européenne par défaut, ne sera alors que sixième (la Russie se plaçant en septième ou huitième place), et encore par la seule grâce de son groupe aéronaval. (2012, Histoire & Stratégie hors-série 2, 37)
Prenons le contrôle régional : Séoul fait certes immédiatement face à Pyongyang dont la marine, obsolète, peut aisément être mise hors de combat. […]
Dotés d’un fort armement en canons, ces bâtiments sont très adaptés au traitement de la « poussière navale » (vedettes, patrouilleurs, etc.) nord-coréenne. Par contre, Séoul fait face à deux question plus complexes qui trouveront leur résolution uniquement à long terme.
La première est celle de la dispute territoriale avec le Japon, qui porte notamment sur Dokdo. Confrontation rhétorique et symbolique (notons que Choongmoogong Yi Soon Shin, considéré comme un héros en Corée du Sud, a défait les Japonais sur mer durant l’invasion tentée entre 1592 et 1598), elle perdure toutefois, de sorte que les face-à-face entre les deux marines sont relativement courants. Dans le même temps, le pouvoir politique a mis en évidence la nécessité de disposer, à l’horizon 2020, d’une blue water navy apte à mener une projection de puissance à l’échelle du monde. Fondée sur un noyau naval comprenant les unités actuellement en construction ou qui viennent d’entrer en service, elle pourrait également, selon certains, faire appel à un porte-aéronefs plus lourd que le Dokdo. En agissant de la sorte, la Corée du Sud entendrait participer aux coalitions internationales, mais aussi mieux s’intégrer dans le système international de sécurité collective en injectant des éléments suffisamment puissants pour pouvoir l’influencer à son avantage. Au demeurant dixième contributeur financier des opérations de maintien de la paix, Séoul a une vision très fine de l’engagement international – plus fine, en réalité, que celle d’autres États ayant pourtant une expérience considérable dans ce domaine.
Au-delà de ce but politique affiché, la Corée du sud reste très dépendante de ses lignes de communication maritimes. Disposant de peu de ressources naturelles, Séoul doit veiller à pouvoir les recevoir alors que son environnement, entre Corée du Nord, Chine et Japon, est potentiellement hostile. […] Dans le même temps, le développement de la marine prend également une valeur dissuasive à l’échelle stratégique, d’autant que son avenir sera aussi antibalistique, la Corée du Sud entendant bien se doter d’une aptitude en la matière en équipant à terme ses destroyers de classe Sejongdaewang de missiles SM-3. Enfin, la disposition d’une blue water navy est également un élément non négligeable dans l’optique d’un affrontement classique avec la Corée du Nord, dès lors que des bâtiments amphibies et des destroyers disposant d’une capacité de frappe terrestre seront à disposition. À bien des égards en effet, on ne change pas une stratégie qui marche (surtout lorsque l’adversaire ne semble pas en avoir changé). En effet, le débarquement d’Inchon (opération « Chromite »), qui permit de contourner le gros des forces de Pyongyang, avait marqué un tournant augurant du sauvetage de la poche de Pusan, au moment où les forces de l’ONU semblaient débordées. (2012, Histoire & Stratégie hors-série 2, 47)
1. Le déclassement de la marine britannique m'était passé inaperçu. Je me demande ce qu'en pensent les Britanniques (au courant).
2. Il ne faudrait pas sous-estimer les potentialités qu'ont su exploiter toutes les thalassocraties jusque contre les puissances terrestres ou continentales (victoire d'Athènes sur Sparte, de la Grande-Bretagne contre Napoléon...). Pernicieusement, j'y entreverrais même un moyen de recouvrer ses dettes (ou de les annuler selon les envies) par une politique de la canonnière autrefois pratiquée par les puissances coloniales européennes.
Bref, l'Europe occidentale se conforte de plus en plus en provinces de l'empire américain, avec leurs troupes d'appoint exotiques déployées sur les champs de bataille extérieurs.
Gloups !