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 Sujet du message: "The Western Way of War"
MessagePosté: Ven 2 Jan 2009 13:36 
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Bonjour,

Quelqu'un aurait-il lu ce livre de David Hanson ("le modèle occidental de la guerre") ?
Je le trouve très stimulant pour comprendre les déboires d'une armée occidentale suréquipée face à une guérilla, et plus largement toute la difficulté pour une puissance capable de mener une "grande guerre" de vaincre dans un conflit assymétrique.

En gros, Hanson estime que la bataille décisive, à la violence paroxystique mais assumée, est apparue en Grèce antique vers le VIIe siècle avant notre ère, et qu'elle a généré un nouveau type de combattant, le fantassin lourd (l'hoplite en l'occurrence). Son équipement défensif était destiné, dans la mêlée, à assurer sa survie au moins quelques temps, là où un soldat non-équipé n'aurait guère tenu quelques secondes sous la poussée.
Mais surtout, cette apparition est une anomalie unique dans l'histoire militaire, puisqu'aucune autre aire géographique n'a été concernée par la naissance d'une guerre paroxystique limitée à quelques semaines d'été et un champ de bataille défini entre les belligérants afin de limiter les pertes et dommages civils.

De la guerre hoplitique originelle (antérieure à la guerre du Péloponnèse qui la dépasse largement et apparaît comme une guerre totale), nous avons retenus, Occidentaux, le côté décisif de la bataille. Et après des siècles d'évolutions, nous avons conservé ce caractère bien intériorisé, au point de ne pas comprendre qu'un fellagha algérien, un djihadiste irakien ou un moudjahidin taliban, battu dès qu'il décide de nous affronter "à la régulière" en rase campagne, puisse continuer à se battre alors même qu'il a clairement perdu la guerre (on relèvera la pertinence de ce raisonnement avec le décalage du discours du président Bush en mai 2003 clamant "mission accomplie", la guerre est finie, et les chiffres des pertes américaines en mars-mai 2003 et postérieurement...).

Qu'en pensez-vous ?

Cordialement,

Loïc


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 Sujet du message: Re: "The Western Way of War"
MessagePosté: Ven 2 Jan 2009 17:34 
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Je pense, sans avoir lu le livre, qu'abattre le gouvernement en place est une lourde erreur. Il n'y a plus personne pour traiter, et un gouvernement mis en place fait obligatoirement pouvoir arrivé dans les fourgons de l'étranger. On ne fait plus la guerre pour un territoire, on la fait pour imposer son idéologie, et à moins d'utiliser des moyens coercitifs que la morale réprouve aujourd'hui, il n'y a pas de solution.

L'armée rouge de Staline ne se serait pas fait enquiquiner longtemps si elle avait été en Irak.

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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 Sujet du message: Re: "The Western Way of War"
MessagePosté: Ven 2 Jan 2009 18:56 
Bonsoir,

Il y a quand même une différence entre le conflit irakien ou afghan actuel et les guerres coloniales des années 50 60, cette différence est le soutien extérieur; durant la guerre d'Algérie le Fellaga avait le soutien logistique d'un tas de monde et en particulier de l'Urss.
La guerre d'Irak actuelle, le nombre de mort américain est faible malgré tout, certes la disparité technologique est un avantage pour l'assaillant mais dans l'absolu que d'énergie dépensé pour un résultat insignifiant puisque les occidentaux sont encore là et que la grande masse de la population ne suit pas les actions guerrières.
Ce qui manque aux assaillants c'est une URSS ou une puissance suffisamment puissante pour défier les USA et à ce titre il n'y a personne.

Quant aux disparités technologiques, durant le second conflit mondial, les allemands avaient remarqué la différence entre leur chars plein de technologie dernier cri et les chars soviétiques (T34) d'une simplicité criante et surtout d'une efficacité monstrueuse, les allemands ne se sont pas adapté!
Les américains en Irak au contraire, s'adaptent et leur peu de mort dans l'absolu est une preuve de ce qui n'a pas marché est oublié et ce qui marche reste.

K


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 Sujet du message: Re: "The Western Way of War"
MessagePosté: Ven 2 Jan 2009 21:19 
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N'oublions pas que l'ouvrage de Hanson date de 1990. Il reste une référence pour l'histoire militaire des origines à nos jours. Il apporte aussi une réflexion stimulante pour les conflits contemporains, la réflexion militaire a évolué du fait des bouleversements géopolitiques causés par la fin du monde bipolaire. Depuis, les ouvrages de Keegan et surtout John Lynn (même s'il est discutable) ont apporté une excellente réflexion sur le fait militaire de la Grèce antique à la politique extérieure de Bush.
http://www.histoire-politique.fr/index.php?numero=01&rub=comptes-rendus&item=1

_________________
"Les passions sont les orateurs des grandes assemblées", Rivarol.


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 Sujet du message: Re: "The Western Way of War"
MessagePosté: Ven 2 Jan 2009 23:15 
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La réflexion est très intéressante. Ce mythe de bataille finale est récurrent dans les oeuvres littéraires ou cinématographiques occidentales, occidentales dans le sens d'issues d'une culture fondée à travers l'espace et le temps entre la Grèce antique et les USA.

Il y a aussi une sorte de posture "chevaleresque" à mépriser une autre forme de guerre, celle des raids et des courses, peut-être plus efficace contre les guérillas : l'absolue soumission ou l'extermination absolue des pirates des XVIIe-XVIIIe ou des hordes mongoles.

Cela dit, les "Occidentaux" ont aussi usé des guérillas, par exemple avec les corsaires ou durant la guérilla espagnole contre Napoléon.

J'ai l'impression que les guérillas ne perdurent que lorsque les "dominants" répugnent à éliminer les populations sources ou souhaitent les ménager et les "apprivoiser".


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 Sujet du message: Re: "The Western Way of War"
MessagePosté: Sam 3 Jan 2009 01:32 
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Inscription: Ven 2 Jan 2009 13:21
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Je suis content de voir que j'ai levé un lièvre qui intéresse quelques-uns :D

Eh bien je pense quant à moi que la théorie de Hanson - car ce n'est qu'une théorie - est bien construite et pertinente, même si elle est peut-être trop "occidentocentrée". En effet, d'autres cultures ont pu, à d'autres époques, rechercher la bataille décisive et s'équiper en conséquence, et ce même sans l'influence d'une armée occidentale à combattre.

Je la trouve en tout cas particulièrement opérante pour expliquer la mutation de l'art militaire grec antique au tournant des VIIIe et VIIe siècles avant notre ère : l'apparition d'une infanterie lourde cuirassée combattant de manière ordonnée n'est pas un accident de l'Histoire, elle implique une réflexion globale dans la société qui en a accouché le principe. Les hommes étant ce qu'ils sont, la voie était ensuite ouverte pour que le pacte implicite des Homoi des cités-Etats de cette époque ne soit plus respecté, et qu'on élargisse le cadre de la guerre à l'ensemble de la société ; puis à ce que la victoire étant impérative car question de la vie et de la mort du plus grand nombre, on ajoute à l'arsenal de l'hoplite la sagesse du stratège, la ruse du tacticien, la combinaison de l'infanterie lourde avec la légère et la cavalerie, et les effets de la poliorcétique.

Après, les effets d'un tel modèle sur deux millénaires me semblent plus difficilement perceptibles, et sont en tout cas brouillés par d'autres influences. Ainsi, le Moyen-Age chrétien a vu s'imposer l'influence modératrice de l'Eglise, avec ses paix et ses trêves de Dieu ; la guerre de Trente Ans et ses débordements innombrables expliquent largement la retenue - relative, si l'on songe à Gênes et Alger, aux dévastations du Palatinat et à Candide - des guerres de Louis XIV et du siècle de la guerre en dentelles. Même si d'autres facteurs ont eu leur influence.
Mais si l'on remonte à l'origine, il est vrai qu'une des particularités de l'art militaire occidental se retrouve dans la guerre grecque antique. Et que cette recherche de décision dans le laps de temps le plus réduit, caractéristique des guerres mobiles de Napoléon Ier ou de Moltke l'ancien et plus encore du Blitzkrieg, même si elle implique un acte de violence paroxystique sur un espace réduit, peut expliquer l'insuccès généralement rencontré par les armées occidentales face à des forces au potentiel jugé nettement inférieur.

Il n'y a que lorsque ces forces, voulant la jouer "à l'occidentale", essaient de venir sur notre propre terrain qu'elles sont vulnérables. Et encore, si l'ALN algérienne a eu Souk-Ahras, il y a bien eu Dien Bien Phu...

Peut-être sommes-nous en train d'assister à une évolution dans la pensée occidentale en Irak et en Afghanistan ? Pour le premier cas, l'"irakisation" de la sécurité explique sans doute beaucoup le calme relatif qui sévit aujourd'hui, d'autant plus qu'elle est renforcée par la certitude du départ des "envahisseurs" d'ici peu (2011 si j'ai bien suivi). Pour le second, le manque de stratégie globale et de moyens adaptés exigent qu'on en attende l'évolution pour trancher. Même si je suis convaincu que la voie ouverte par la France en Indochine (avec la "Vietnamisation" voulue et conduite par de Lattre) ou les Américains ou Vietnam (dans des conditions bien plus précaires cependant) sont les exemples à suivre tant ces guerres sont globales, affectant l'intégralité des sociétés qui en sont les victimes.


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 Sujet du message: Re: "The Western Way of War"
MessagePosté: Sam 3 Jan 2009 09:00 
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LTN503 a écrit:
Je suis content de voir que j'ai levé un lièvre qui intéresse quelques-uns :D

Eh bien je pense quant à moi que la théorie de Hanson - car ce n'est qu'une théorie - est bien construite et pertinente, même si elle est peut-être trop "occidentocentrée". En effet, d'autres cultures ont pu, à d'autres époques, rechercher la bataille décisive et s'équiper en conséquence, et ce même sans l'influence d'une armée occidentale à combattre.

Je ne vois pas trop. En Asie, par exemple, on a l'impression de corps expéditionnaires qui partent se battre sans fin pour écraser des populations plus ou moins armées. Le climat, la logistique, le temps et l'usure finissent toujours par avoir raison de ces expéditions. Mais de part et d'autre, le combat perdure tant qu'il reste un ongle pour griffer. Les indices de soumission et d'assimilation doivent être absolus et expliquent, peut-être, l'acceptation de traitements cruels. En cas d'insoumission partielles, l'ensemble de la population ciblée souffre de représailles pouvant aller jusqu'à l'anéantissement total et voulu. On pourrait avoir l'impression, vu d'Occident, qu'en dépit de la cruauté des représailles, elles ne sont pas mues par la haine mais par le souci d'une indifférente efficacité, et c'est cette indifférence même qui insupporte les Occidentaux. Hors l'Occident, quand on tue ou écrase, on tue ou écrase une autre humanité. En Occident et depuis la Grèce antique, en dépit des propagandes diverses destinées à bestialiser l'adversaire, on tue ou écrase un frère possible, et ça s'est agravé avec le christianisme.

Même les guerres d'extermination menées en Occident ont fini par peser sur les consciences, comme les guerres de religion intra-européennes. La froideur nazie, qui en fait occultait une passion haineuse, paraît reproduire l'indifférence quasi-généralisée hors l'Occident. Mais peut-être l'indifférence orientale masque-t-elle aussi des passions haineuses (on peut penser au panarabisme ou au djihadisme modernes, aux dernières années du Japon impérial, mais aussi aux cruels Aztèques ou aux conflits entre Hutus et Tutsis).

La théorie que vous présentez a l'avantage de souligner le souci de ménager le vaincu, peut-être par compassion (inspirée par un humanisme grec ou chrétien) ou par prudence (on peut devenir le vaincu).

Les rencontres militaires se limitent aux champs de bataille et leurs règles tacites (terrain défini, traitement des prisonniers de guerre, etc.) les apparentes aux joutes sportives. Hors l'Occident, il est nécessaire de s'assurer de la mise hors combat définitive, quasi-perpétuelle, des adversaires.
LTN503 a écrit:
Et que cette recherche de décision dans le laps de temps le plus réduit, caractéristique des guerres mobiles de Napoléon Ier ou de Moltke l'ancien et plus encore du Blitzkrieg, même si elle implique un acte de violence paroxystique sur un espace réduit, peut expliquer l'insuccès généralement rencontré par les armées occidentales face à des forces au potentiel jugé nettement inférieur.

Je crois plutôt que cet insuccès repose sur un quiproquo. Quand une armée occidentale balaie ses adersaires, les décideurs occidentaux estiment que la défaite est comprise et assumée. Or elle ne l'est pas (même en Occident, comme l'attestent le banditisme basque ou les affrontements désormais terminés en Irlande du Nord). Hors Occident, les adversaires vaincus comprennent, à juste titre, la clémence des armées occidentales comme une faiblesse morale et l'exploitent comme telle. Il ne respectent pas cette clémence comme preuve de grandeur ou de noblesse. Si, du jour au lendemain, Israël ou les USA proposaient, respectivement, d'occire tout Palestinien ou Irakien ne présentant pas une absolue soumission (physique et culturelle - vestimentaire et religieuse par exemple) et qu'ils passent à l'acte, non seulement ils n'auraient plus affaire qu'à des survivants orientaux soumis et dociles, voire favorables, mais le simple passage à l'acte (hors impact désastreux sur les opinions publiques des pays massacreurs) aurait pour effet d' "apprivoiser" pour quelques décennies un grand nombre d'adversaires déclarés.

Ce qui est possible pour un Palestinien, un Irakien, un Afghan, un Pakistanais, un Chinois, à savoir glorifier et bénir le meurtre des insoumis, n'est pas accessible aux opinions publiques occidentales.

Un pays occidental ne devrait donc pas mener d'autres guerres que conventionnelles et anti-gouvernementales hors l'Occident. Il peut écraser des armées conventionnelles ennemies pour défendre son territoire, supprimer l'armée et les outils gouvernementaux d'un adversaire, mais ne peut l'occuper en raison de ce quiproquo, que la vertu consistant à épargner des vaincus en état de résister est perçue comme un vice pernicieux par lesdits vaincus.
LTN503 a écrit:
Il n'y a que lorsque ces forces, voulant la jouer "à l'occidentale", essaient de venir sur notre propre terrain qu'elles sont vulnérables. Et encore, si l'ALN algérienne a eu Souk-Ahras, il y a bien eu Dien Bien Phu...

Et la victoire japonaise sur les Russes, considérés comme "Occidentaux" dans ce cas précis, ou quelques épisodes des conquêtes coloniales.

A noter que pour certaines tribus amérindiennes d'Amérique du Nord, adoptant un certain humanisme, la mobilisation qui valut la victoire sur Cluster (un Occidental exterminateur, lui) fut abandonnée parce qu'ils considéraient que cette victoire était paroxystique et servait de leçon définitive aux "Blancs". Ces mêmes tribus avaient tendance à se combattre en suivant des règles sportives. Ce qui n'était certes pas le cas de toutes les tribus nord-américaines.

A Dien Bien Phu ou à Port-Arthur, les "Orientaux" ont justement à peu près traités les "Occidentaux" à la manière occidentale : un traité terminant le conflit et semblant ménager les vaincus. Peut-être parce qu'ils n'avaient pas de prise sur les populations civiles des vaincus et qu'ils estimaient s'en tirer à bon compte, ou que la totalité des objectifs raisonnables étaient atteints ?

A noter une évolution inverse (adaptation ?) des armées occidentales en relation avec ces guerres menées comme des joutes sportives avec leurs règles spatio-temporelles : on n'y déclare plus les guerres depuis la Seconde Guerre mondiale.
LTN503 a écrit:
Peut-être sommes-nous en train d'assister à une évolution dans la pensée occidentale en Irak et en Afghanistan ? Pour le premier cas, l'"irakisation" de la sécurité explique sans doute beaucoup le calme relatif qui sévit aujourd'hui, d'autant plus qu'elle est renforcée par la certitude du départ des "envahisseurs" d'ici peu (2011 si j'ai bien suivi).

M'oui... En Irak, le voeu prioritaire des Arabes irakiens est que les alliés partent pour s'expliquer "une bonne fois pour toutes" sur le terrain : après comparaison des forces en présence, ils établiront un compromis initial ou se déchiquèteront comme ils ont tenté de le faire en 2006-2008 (3.000 morts par mois dans les meilleurs moments en dépit des forces alliées). A l'Orientale, quoi ! ;)


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 Sujet du message: Re: "The Western Way of War"
MessagePosté: Sam 3 Jan 2009 22:22 
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Geopolis a écrit:
Je ne vois pas trop.


Eh bien le fait que les protections lourdes aient pu être l'apanage d'autres que les hoplites à une époque similaire ou légèrement plus récente en est un exemple non ? De mémoire, et merci de me contredire si je me trompe (notamment pour l'époque qui est peut-être postérieure de plusieurs siècles) : les Scythes, réputés pour leur archerie montée, disposaient aussi de cavaliers lourds qui préfigurent les cataphractaires byzantins. Quel intérêt que cette force de frappe montée, sinon pour la bataille rangée ?
En ce qui concerne le mode de règlement d'un conflit (la bataille paroxystique dont le résultat est accepté par tous les belligérants), il est vrai que c'est bien plus difficile, et qu'il n'y a guère de cas hors acculturation avec une puissance occidentale (car dans ce cas les armées musulmanes des croisades, à partir de Saladin, ou celles des Ottomans, me paraissent d'excellents exemples). Mais en cherchant, cela doit se trouver.

Le cas qui est pris par vous plus loin des Japonais en 1904-1905 et du Viet-Minh en 1954-1955 l'illustre en tout cas : il y a une adaptation de cultures non-occidentales au "modèle occidental de la guerre". Il faut dire qu'il s'agit dans ce cas de deux vainqueurs.

Geopolis a écrit:
La théorie que vous présentez a l'avantage de souligner le souci de ménager le vaincu, peut-être par compassion (inspirée par un humanisme grec ou chrétien) ou par prudence (on peut devenir le vaincu).


C'est vrai. Ou de ménager les ressources d'un pays qui doit payer tribut après avoir reconnu sa défaite ;)

.
Geopolis a écrit:
Je crois plutôt que cet insuccès repose sur un quiproquo. Quand une armée occidentale balaie ses adersaires, les décideurs occidentaux estiment que la défaite est comprise et assumée. Or elle ne l'est pas (même en Occident, comme l'attestent le banditisme basque ou les affrontements désormais terminés en Irlande du Nord). Hors Occident, les adversaires vaincus comprennent, à juste titre, la clémence des armées occidentales comme une faiblesse morale et l'exploitent comme telle. Il ne respectent pas cette clémence comme preuve de grandeur ou de noblesse. Si, du jour au lendemain, Israël ou les USA proposaient, respectivement, d'occire tout Palestinien ou Irakien ne présentant pas une absolue soumission (physique et culturelle - vestimentaire et religieuse par exemple) et qu'ils passent à l'acte, non seulement ils n'auraient plus affaire qu'à des survivants orientaux soumis et dociles, voire favorables, mais le simple passage à l'acte (hors impact désastreux sur les opinions publiques des pays massacreurs) aurait pour effet d' "apprivoiser" pour quelques décennies un grand nombre d'adversaires déclarés.


Cela me paraît très vrai, et bien dit.
On rentre là dans un autre débat, tout aussi intéressant mais bien plus polémique : que faut-il faire pour gagner un conflit assymétrique de nos jours ? Et quel prix est prêt à payer un pays occidental pour ce faire ?

Pour votre dernier paragraphe sur l'Irak d'aujourd'hui, je ne suis bien entendu pas en désaccord. Téhéran a ordonné aux Chiites, majoritaires, de temporiser ; les Sunnites préfèrent se préparer à la confrontation qui s'annonce que s'étriper au nom du Jihad ; les Kurdes lorgnent vers leur indépendance, et la tentation turque... Mais d'ici quelques années, je suis d'accord : un beau feu d'artifice sur l'Irak.

En tout cas, merci de ces contributions très constructives.


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 Sujet du message: Re: "The Western Way of War"
MessagePosté: Dim 4 Jan 2009 10:26 
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Merci à vous d'avoir lancé ce sujet. ;)
LTN503 a écrit:
On rentre là dans un autre débat, tout aussi intéressant mais bien plus polémique : que faut-il faire pour gagner un conflit assymétrique de nos jours ?

Je pense que Gengis Khan et Tamerlan auraient crument répondu : "Terminer le boulot." Et comprendre qu'il n'existe pas de bataille paroxystique dans chaque guerre ni pour tout adversaire.


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 Sujet du message: Re: "The Western Way of War"
MessagePosté: Mer 7 Jan 2009 15:45 
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Comme je citais cet extrait dans le sujet consacré à l'avenir du Pakistan, je pense qu'il mérite aussi une place ici, au sujet des défaites non admises ou non reconnues et en liaison, par exemple, avec les réactions rémanentes et acharnées des Palestiniens contre Israël, alors qu'une réaction occidentale classique à la défaite consisterait à faire profil bas et un examen de conscience pendant quelques décennies :
Citation:
Mais ne disiez-vous pas que la défaite peut être salutaire ?

Oui, à condition d’être acceptée pour ce qu’elle est. Or, pour les peuples qui ont perdu la guerre, la recherche des raisons de la défaite peu mener soit à l’autocritique, soit à une fuite en avant dont le XXe siècle fournit plusieurs exemples impressionnants. Après la Première Guerre mondiale, les Italiens se sont brusquement retrouvés dans le camp des vainqueurs sans avoir vaincu. Cette vittoria mutilata, cette victoire mutilée, a sans doute été le plus grand malheur politique du XXe siècle, car elle a déclenché la réaction en chaîne qui a abouti au fascisme. Le fascisme est une compensation malsaine que s’offrent les faux vainqueurs – ils projettent le style guerrier sur la vie tout entière en proclamant la mobilisation permanente. […] Pendant les « années de plomb », la jeunesse allemande n’a eu de cesse de demander des comptes à ses aînés. Au point que vous parlez d’un « fascisme de gauche ».

La rhétorique antifasciste qui a dominé la sémantique de l’après-guerre a occulté la dimension violente du socialisme et du communisme. Les auteurs – comme Hannah Arendt – qui voulaient souligner les analogies entre fascisme et communisme ont proposé de regrouper les deux phénomènes sous le concept de totalitarisme. Il aurait été plus pertinent de parler d’une dimension fasciste généralisée, qui pouvait être de droite ou de gauche. Après sa défaite en 1918, l’Union soviétique a elle aussi choisi la fuite en avant pour maquiller la débâcle militaire en victoire révolutionnaire. Mais après 1945, la gauche européenne, embarrassée par son identification au régime le plus meurtrier de l’histoire, a imposé l’énorme mensonge qui consistait à faire passer le fascisme de gauche pour un antifascisme. D’où, en particulier, l’embarras de la gauche française, qui devait en outre soutenir la fiction d’une France victorieuse au côté de l’URSS.

Peut-être mais, dans votre schéma, la France aurait dû, après 1945, sombrer dans le fascisme. Or cela n’a pas été le cas. À moins, évidemment, que vous ne rangiez le gaullisme dans la catégorie des fascismes ?

Comme les Italiens en 1918, les Français en 1945 ont nié la réalité de la défaite, mais ils ont eu la chance d’être représentés par de Gaulle. […] Avoir une conscience vous interdit de vous battre la coulpe sur la poitrine des autres. Mais les gauchistes français ont choisi d’être des consciences pour se sauver et monopoliser le privilège de l’accusation.

Peter Sloterdijk, philosophe, Le Point 1892-1893, 92-93

Quelque part, si les défaites ne sont pas partout reconnues de la même manière, les conséquences d'une non reconnaissance de la défaite pourraient être les mêmes partout !


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