Le salon géopolitique de Passion-Histoire

Lu sur Liberation


Le Sénat américain a rendu public ce mardi un rapport très attendu sur les méthodes de torture utilisées par la CIA après les attentats du 11 septembre 2001. Certaines de ces méthodes et les pays où elles ont été mises en pratique étaient déjà connues, mais c’est la plus vaste enquête sur le sujet jamais rendue publique à ce jour. Le rapport intégral fait plus de 6 000 pages. La version rendue publique, expurgée de certaines informations, comme les noms des agents, en fait 525. La CIA a immédiatement contesté les conclusions du rapport.

(...)


Les méthodes d’interrogatoire de la CIA «n’ont pas été efficaces» et le programme secret de la CIA «a été bien plus brutal que ce que la CIA a dit aux politiciens et au public américain». Pas efficace, parce que pour les 20 cas où la CIA dit avoir obtenu des informations cruciales en recourant à des techniques coercitives, il apparaît en réalité que ces informations avaient été obtenues avant l’emploi de ces méthodes ou bien obtenues auprès d’autres détenus. «A aucun moment les techniques d’interrogatoire renforcées de la CIA n’ont permis de recueillir des renseignements relatifs à des menaces imminentes, tels que des informations concernant d’hypothétiques "bombes à retardement" dont beaucoup estimaient qu’elles justifiaient ces techniques.» Nombre d’agents de la CIA ont d’ailleurs questionné en interne l’utilité de ces méthodes, relève le rapport.

La CIA a toujours dit que les techniques d’interrogatoire musclées n’étaient utilisées qu’en dernier recours. Or le rapport révèle qu’elles étaient souvent infligées d’emblée: privation de sommeil jusqu’à 180 heures, maintien dans des positions douloureuses, tabassages répétés, musique assourdissante, simulation de noyade («waterboarding»), isolement prolongé dans le noir, alimentation par voie rectale («rectal feeding»), menaces sur la famille, bains d'eau glacée, etc. La commission suggère que le waterboarding a été davantage utilisé que la CIA ne l’avait jusqu’ici prétendu. Les détenus étaient aussi souvent obligés de rester nus, parfois une cagoule sur la tête. Il en est résulté de graves troubles psychologiques, des manifestations de paranoïa et d’automutilation.

Techniques qui feraient sourire bien des régimes et organisations criminelles présents et passés. Même dans son rôle de bad boys, on dirait que la CIA cherche encore à pouvoir se regarder dans un miroir.

Le problème ne réside pas dans le degré de cruauté des méthodes utilisées, mais bien dans le fait qu'elle soient utilisées...
Les États-Unis, comme beaucoup d'autres États, ont signé la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, un traité de droit international adopté sous l'impulsion des Nations unies dans le but d'empêcher la torture partout dans le monde.
A partir du moment où les États-Unis reconnaissent avoir utilisé des méthodes apparentées à la torture, cela ne fait que contribuer un peu plus à sa décrédibilisation en tant que grande nation démocratique...
Phénomène déjà bien entamé depuis les attentats du 11 septembre 2001 et les réactions du gouvernement Bush qui s'ensuivirent (vote du Patriot Act, invasion de l’Irak sous des prétextes bidons, et on en passe...).
Il est bien difficile, désormais, pour les États-Unis de jouer aux donneurs de leçons démocratiques... Ce qui, évidemment, ne manque pas d'être exploité par ses adversaires pour renforcer les sentiments anti-américains dans le monde.

Ça paraît bête de se faire pincer pour des pratiques contre-productives en terme de renseignement.

C'est peut-être cela le plus ironique. De nombreuses études ont démontré que l'un des moyens les plus inefficace pour obtenir des renseignements est la torture. Il est donc assez ironique qu'un service de renseignement se fasse épingler pour sa pratique abusive de celle-ci.

Est-ce une impression, ou bien la CIA est à couteaux tirés avec son propre gouvernement depuis 2001 ?
Sans m'y connaître particulièrement dans le domaine du renseignement, j'ai souvent eu l'impression que le gouvernement tenait la CIA responsable de beaucoup d'échecs... A commencer par les attentats du 11 septembre, qui n'avait pas put être déjoué.
Ensuite, il y a eut cette histoire d'armes de destructions massives en Irak qui n'ont jamais été retrouvées (si elles avaient jamais existé)... Et Oussama ben Laden qui reste introuvable pendant une dizaine d'années.
Bon, on en passe et des meilleures...

Aujourd'hui, on sort cette affaire de torture, comme si la CIA n'avait jamais utilisé de méthodes d'interrogatoire « spéciales » au cours de son existence. Excusez-moi si ça paraît un peu risible... Autant vouloir affirmer que la CIA n'a jamais fait assassiner qui que ce soit durant la Guerre Froide, ni organisé de coups d’État.
Soit le gouvernement rejette sur la CIA les conséquences de ses propres inepties, soit la CIA est entrée dans une phase de décadence.

Il y a effectivement eu des reproches en 2001. Mais, Il y a eu une réforme du renseignement à cette époque. Ensuite, certains des faits que vous reprochez à la CIA furent faits "sur ordre", donc leur seule responsabilité est dans l'éventuel échec. La responsabilité de la mission allant au donneur d'ordre. Mas, la CIA a monté un certain nombre de missions scabreuses qui ne réussirent pas toutes. Parfois, leur échec était prévisible, ce qui a mis le gouvernement américain dans l'embarras. Mais, les divers présidents ont souvent réussi a se défausser sur les "responsables" opérationnels. Donc, tel que cela a été présenté au peuple américain, l'erreur n'a pas été de vouloir faire quelque chose, mais d'avoir foiré la mission.

Et si on y regarde bien, on ne reproche pas trop à la CIA d'avoir utilisé la torture, mais de ne pas avoir été assez efficace dans la recherche du renseignement. Le même reproche est d'ailleurs fait au NSA, ils espionnent massivement les communications mondiales, et pourtant, ils se font souvent surprendre. En fait, il semble qu'il y a une erreur à la base : ils ont tendance à trop privilégier la technologie.

Il y a déjà un bout de temps que l'on entend ce genre de reproches : CIA / NSA privilégient la technologie au détriment des « agents de terrain »...
C'est sans doute vrais, mais c'était déjà ce que l'on disait au lendemain des attentats du 11 septembre 2001... Donc, il y a près de 15 ans !
Si les gars de la CIA n'ont pas tenu compte de leurs erreurs depuis tout ce temps, et si les politiques continuent de les laisser aller dans cette voie, il faut quand même se poser des questions... Il faut croire que ça dysfonctionne à tous les niveaux.

Quand on pense aux mouvements anti guerre du Viêt-Nam dans les années 60, on voit que l'anti américanisme a bien reculé !!!

Un policier français de ma famille m'a expliqué que la torture n'était pas très utile :
1- quand un suspect ne sait rien il est impossible de le faire avouer ce qu il ignore
2- qu il sache rien ou pas, il peut raconter n'importe quoi pour arrêter ses souffrances
3- il y a des héros qui préfèrent mourir - et en fait plus qu'on ne croit.

La bonne technique d'interrogatoire c'est de poser des questions de micro détails aisément vérifiables dont le suspect ne comprends où elles mènent ( où achetez vous votre pain, avec qui mangez vous à la cantine, dans quelle boîte sortez vous le samedi soir, etc) et qui permettent de comprendre sa psychologie et son environnement.

"Il était en elle ce noyau dur qui résiste au bourreau lui-même, car le poids d'une meule n'en ferait point sourdre l'huile du secret." (Saint-Exupéry, Citadelle, LXX)

Oui, c'est anodin, ça, c'est qu'on fait pour poser des questions indiscrètes dans son entourage.