Le salon géopolitique de Passion-Histoire

Mais, finalement, le problème de Todd n'est-il pas d'avoir, depuis des décennies, la même vision partagée par certains « intellectuels de gauche » ...
Celle qui veut que la société française (et plus largement européenne) se divise en deux camps : d'un côté les « Blancs » chrétiens, descendants de colons donc forcément dominateurs racistes et de l'autre les « émigrés » souvent musulmans, pauvres, descendants de colonisés donc forcément exploités, humiliés et rabaissés.
Une vision caricaturale, mais camouflée derrière des concepts présentés comme neutres et scientifiques...
L'effet pervers est que beaucoup de gens en arrivent à être de plus en plus irrités par ces discours accusateurs et moralisateurs. Pourquoi s'étonner que ces intellectuels sont considérés comme des alliés objectifs des populistes puisqu'ils poussent littéralement certaines personnes dans leurs bras ?
Pointez du doigt les Musulmans en les traitant régulièrement de terroristes, et ils finissent mécaniquement par sombrer dans le terrorisme puisque - de toute façon - ils ont été déjà été jugés et considérés comme tels.
De même, pointez du doigt les Français de souche catholiques et traitez-les systématiquement de racistes / fascistes et ils finiront par se tourner mécaniquement vers l'extrême-droite...

Même chose pour le regain d'intérêt pour les identités nationales.

Ce mouvement est presque déjà dépassé, on en serait plutôt aux identités locales (région, ville, quartier).

Il faut plutot regarder du côté des mouvements profonds d'opinion.

Il faut peut être faire la distinction entre les mouvements profonds d'opinion et les appels au crime réitérés en permanence, martelés tel un slogan publicitaire au point qu’on ne se rende plus compte ce que représente un corps troué de balles.
La glorification du crime est permanente :
Abou Mohammed al-Adnani, le porte-parole de l'EI, dans un message publié en plusieurs langues.
"Tuez le mécréant qu'il soit civil ou militaire",
"Avec une pierre, un couteau, votre voiture..."
"Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec votre voiture, jetez-le d'un lieu en hauteur, étranglez-le ou empoisonnez-le"
Peut-on qualifier cela de mouvements profonds d'opinion ?
Les considérations philosophiques d’intellectuels me semblent assez indécentes et irresponsables par rapport à ces appels explicites au crime.
Ce n’est pourtant pas compliqué pour comprendre : imaginer sa famille décimée de cette façon.
Que faut-il de plus pour comprendre ? assister en temps réel à des bains de sang, être aspergé de sang chaud ?

Vivre dans l'horreur c'est une question d'apprentissage, les mots perdent leur signification, l'opinion publique est vaccinée quoi de plus normal qu'un corps troué de balles.

Après avoir annoncé, en mars dernier, son intention d’attribuer le prix du « Courage et de la Liberté d’expression », à Charlie Hebdo, six auteurs membres du Pen Club annoncent qu’ils boycottent cette cérémonie. Ils lancent une pétition sur le site The Intercept, bientôt signée par quelques 204 écrivains américains.

Parmi eux, l’écrivain américain Russell Banks, qui, même si il a été très ému et choqué par l’attentat contre Charlie Hebdo, explique pourquoi il a tout de suite été contre la remise de ce prix : « Historiquement ce prix a toujours été donné à des journalistes qui ont mis en jeu leurs vies pour améliorer vraiment le sort des citoyens. » Et d’ajouter : « Ce n’est plus une question de liberté d’expression. Ce que fait Charlie Hedo n’a rien d’essentiel pour la population française ou celle du monde. Ils sont tout à fait libres de le faire, mais nous n’avons pas à les récompenser pour ça. »

Dans cette pétition, de grand noms également comme Joyce Carol Oates, Peter Carey, Juno Diaz ou encore Michael Ondaatje, accusent Charlie Hebdo d’avoir pu causer avec les caricatures de Mahomet « une plus grande humiliation et d'une plus grande souffrance» à une catégorie de la population française, « dont une large partie est musulmane pratiquante» et de s’être attaqué à «une partie de cette population française déjà marginalisée et rendue victime ». Les signataires indiquent qu’ils ne combattent pas Charlie Hebdo mais qu’ « il y a une différence entre soutenir une liberté d'expression qui va à l'encontre de l'acceptable et récompenser une telle liberté d'expression ». Une pétition aussitôt dénoncée par des auteurs comme Salman Rushdie et plusieurs éditorialistes américains.

Nous reviendrons sur ce débat dans le journal de la culture avec l’écrivain Russell Banks, signataire de la pétition contre le prix à Charlie Hebdo et Michael C. Moynihan, éditorialiste américain pour The Daily Beast, proche de Salman Rushdie et auteur d’une tribune contre la pétition des 204 écrivains.

Dès l'attentat de janvier, le malaise des médias américains sur le sujet avait été perceptible... La raison étant qu'un journal du genre Charlie Hedo est inimaginable aux États-Unis : on peut y rire de tout sauf de la religion.