Le salon géopolitique de Passion-Histoire

Il semble que la France se fait proprement éjecter d'Afrique de l'ouest. Après le Mali, le Burkina-Faso, voici le Niger et la compétition pour remplacer son influence menace d'être rude avec les EU sur le coup, concurrencés par la Russie et la Chine qui se tient en embuscade.

Je connais mal la politique de la France dans cette région, comment en est on arrivé là, quelles sont les erreurs qui ont été commises ?

Il me semble que la France a joué, depuis les années 1960, à répondre à des demandes (sécurité, coopération économique, humanitaire) de ses anciennes colonies en conservant le rôle - sans vraiment l'exercer - dans les esprits des autochtones d'ancienne puissance coloniale.
Lorsque les choses vont bien, la France est encensée - je ne sais plus quel diplomate expliquait que les mêmes qui avaient été payés pour manifester leur colère devant l'ambassade de France au Niger avaient été également payés pour crier "vive Macron" en 2019 - et lorsque des problèmes surgissent elle est vilipendée.
Un peu comme dans les territoires ultramarins en quelque sorte.
Visiblement les élites locales et les dirigeants français ne se comprennent pas véritablement...

J'ai l'impression que l'on n'a pas su saisir notre chance malgré un positionnement historique favorable, une stratégie de gestion des élites de ces pays qui aurait pu nous être également favorable et des liens culturels qui ne demandaient qu'à être mis en lumière.
Sans oublier les liens avec l'immigration et les générations françaises issues de ces pays, même les médias, rfi france24 ont tissé des liens qui aurait pu contribuer mais...
La faute à notre vieillissement, à la "fracture" entre 2003/2004, à notre entrée dans un conservatisme pesant continue devenant contraignant puis décalé avec les réalités du continent. On est dans un pays qui se repli toujours plus sur lui-même. Moins de moyens, juste des soldats et des prédateurs économiques (l'image par excellence du colon) on tend la joue avec nos politiques intérieures nauséabondes et on s'étonne des conséquences?!
L'Afrique va vite, trop vite pour nous les vieux éléphants, elle est jeune pleine d'ambition et de courage.
Et nous, trop vieux, avec notre dos rond et le verbe parfois grincheux, limite insultant.

Et pourtant, dans la course à l'influence, la France leader de la francophonie avait toute sa place et aurait pu mener une autre voix bien plus ambitieuse.
On a, à mes yeux, avec la bénédiction de grandes puissances, juste tout gâché.

Il y aura bien des histoires de cette histoire avant d'en convenir d'une pour tout le monde.

Personnellement, je vois trois facteurs à retenir dans cette fracture :
- géopolitiquement, la France n'a plus rien à dire au monde, elle se contente simplement de commenter ce que les Etats-Unis disent et de le suivre : il est donc inutile de s'adresser à elle ;
- la France s'est enfermée, par des choix funestes ces trente dernières années, dans un libéralisme économique austère et a fait de très mauvais choix industriels : si elle n'a plus d'argent pour que l'apprentissage de la natation à destination de ses enfants soit gratuit, elle n'a plus les moyens non plus de favoriser la politique de coopération lancée à la fin des années 1950 en direction de ces anciennes colonies.
- une rupture culturelle s'est progressivement marquée à l'encontre de pays pourtant francophones. La France veut s'occuper d'"écologie" (dans les discours du moins), d'égalité hommes-femmes, de droits pour certaines minorités à orientation sexuelle particulière, etc., bref, n'a plus rien à voir avec la France du XXème siècle, qui avait conservée une image d'attractive auprès de ces populations africaines.

Ajoutons à cela que d'autres acteurs (Etat-Unis, Russie, Chine) se sont également implantés dans ces pays et vous avez le résultat actuel.

Tss, tss, quel libéralisme ? Là, je ne vois âs trop? L'Etat se mêle de tout à tort et à travers, et on me rebat les oreilles avec un libéralime qui n'a jamais existé en France, sauf peut être de Louis Philippe à Napoléon III et en poussant un peu jusqu'à 1914.

Dans ce cas rectifions quelque peu : "dans une politique économique néo-libérale et monétariste" (donc, de type fin XXème) pour un "Etat qui fait semblant de ne pas l'être, se comportant encore comme l'interventionniste qu'il a pratiquement toujours été depuis Philippe le Bel, mais n'en ayant plus les moyens".
C'est mieux ?
Cela dit, à force de se contorsionner ainsi et de se rouler dans cette forme d'hypocrisie permanente, il ne satisfait plus personne, ni à l'intérieur de ses frontières, ni à l'extérieur.

Nous n'allons pas nous fâcher pour si peu, et nous sortons du sujet par ma faute.

Je crois que nous avons pris les Africains de haut et qu'ils sont fort chatouilleux sue ce sujet. Des déclarations malheureuses ont été faites et cela n'a pas arrangé les choses. Mais voir en la Russie ou la Chine des parangons de vertu pour des Etats et des nations se cherchant encore est illusoire.

Je crois surtout que nous ne les faisons plus rêver comme par le passé.
Se constituer une clientèle alors qu'on est soi-même sous domination est plus compliqué que lorsqu'on est libre de ses décisions.
Si je suis le "dominé", je préfère directement traiter avec un maitre qu'avec son larbin.

Concernant le Mali, il y a deux ou trois ans que le colonel Goya a signalé que le problème du pays c'était le gouvernement malien. On a un président et sa clique dont l'objectif est de ramasser le plus possible de fric : l'armée malienne est sous-équipée et n'a pas envie de mourir au combat, elle se montre parfaite pour maltraiter les civils (dans la chasse aux djihadistes clandestins) surtout touaregs, le président détourne l'aide internationale, tape dans les caisses de l'état, les officiers tapent dans la solde de leurs recrues, et la force de l'ONU (ça doit être la MINUSMA) formée de contingents noirs n'est là que pour l'argent qu'elle rapporte aux pays participants.

Evidemment la France qui ne compte pas maintenir des effectifs importants au Mali s'est inquiétée d'un gouvernement qui fabrique plus de djihadistes que son armée n'en trouve, et a exigé des réformes. Il y a déjà des unités panachées, où on a mixé sous-officiers et soldats maliens et français. D'autres où la France a fourni des sous-officiers français pour mener les soldats maliens en opération. (L'idée est de faire émerger de bons sous officiers locaux et de leur transférer la responsabilité quand ils seront opérationnels.)

Les Français (nombreux et indispensables pour contenir la croissance des djihadistes. Au passage le Sahel reste le seul endroit au monde où subsiste une force de Daesh structurée et prête à prendre les rênes d'un pays.) protestent depuis longtemps pour faire évoluer les moeurs du gouvernement et de l'armée et exigent un fonctionnement plus normal, menaçant de laisser tomber le Mali si vraiment ça reste un pays irresponsable et qu'on doit tenir à bout de bras à nos frais.

Hé bien le calcul était faux. On s'imaginait que les militaires maliens tenaient avant tout à éviter que le Mali tombe aux mains des djihadistes, en réalité ils veulent leur part du gâteau et après moi le déluge. Et ils n'aiment pas être mis en cause, c'est vexant pour eux d'être décrits pour ce qu'ils sont. Donc on en est au 2ème coup d'état militaire, ils ont viré les Français avec l'accusation rituelle de colonialistes - en réalité parce qu'on troublait leurs petits jeux - et cette fois le dictateur militaire a recruté Wagner, non pas pour combattre mais pour assurer sa tranquillité à son poste.

A une époque un dictateur africain francophone était protégé par un bataillon de paras français qui assurait le même rôle d'assurance. En réalité on n'a peut-être pas été suffisamment cyniques, on a eu le même scénario au Mali et au Niger. (Alors qu'on a besoin de l'uranium du Niger.)

Oui, tout ceci est juste, mais les Touaregs, qui sont blancs, peuvent ils accepter que la majorité noire les gouverne. L'islamisme est un prétexte qui cache des dissentions datant de plusieurs siècles, et peut on former une nation malienne avec deux entités aussi dissemblables , sauf à former une confédération de type helvétique dont aucun des protagonistes ne veut. Il ne faut pas se leurrer, la nation malienne n'existe pas, c'est le drame des frontières héritée du temps colonial.