Caesar Scipio a écrit:
Votre appréciation me paraît bien optimiste.
En quoi une "désunnisation" est-elle optimiste ?
Caesar Scipio a écrit:
Si on se reporte aux tendances en Égypte, en Arabie Saoudite, au Maghreb ou au Pakistan, je n'ai pas l'impression qu'on assiste à une "désunnisation" parmi les sunnites.
Les extrémistes sunnites y exercent des violences parce qu'ils s'inquiètent, à juste titre d'ailleurs.
Caesar Scipio a écrit:
C'est une représentation par trop franco-centrée que de croire que l'aspiration à un mieux-être matériel serait forcément antithetique d'un attachement à un Islam militant.
Non, c'est une représentation historique, d'ailleurs la France est elle-même passée au crible du libéralisme, il ne reste presque rien de ses folklores antilibéraux : Ancien Régime, noblesse, phallocratie, dots, duels, etc.
Caesar Scipio a écrit:
C'est les deux mon général. Ils veulent à la fois un mode de consommation moderne, le satellite, internet, le téléphone cellulaire 4G, les grosses bagnoles et les piscines, les voyages en avion d'une part, et d'autre part le rigorisme religieux, autant comme marqueur identitaire que comme moyen de domination/légitimation. La vision du monde n'est pas fractionnée comme en Occident. Le religieux n'est pas séparé du sociétal, de l'économique et du politique.
Le confort libéral découle du marché libre. Pas de confort matériel généralisé sans les libertés individuelles inscrites dans les Droits de l'Homme, à commencer par celles d'entreprendre, de jouir de sa propriété et de contracter. De ces libertés-là découle la capacité de production, dont dépendent étroitement toutes les prérogatives politiques. Par son Histoire, la France est d'ailleurs mal placée pour en être bien informée, elle qui s'aventura si longtemps à placer les libertés politiques avant les libertés économiques, et qui s'y égare toujours quelque peu.
C'est plutôt une réalité néerlando-centrée, les Pays-Bas ayant imposé leur exemple à l'Occident, puis l'Europe centrale, le Japon et depuis dans l'ensemble des régions du monde.
Le centre de la tyrannie sunnite, qui la finance et l'inculque partout, est l'Arabie saoudite. Les Saoudiens sont improductifs et lestés dans leur improductivité par leur régime. La capacité de production saoudienne est concentrée entre les mains des Saoud, qui la délèguent à de serviables étrangers.
Citation:
Et je connais ces races abâtardies qui n’écrivent plus leurs poèmes mais les lisent, qui ne cultivent plus leur sol mais s’appuient d’abord sur les esclaves.
[...]
« Ils croupissaient dans l’illusion du bonheur qu’ils tiraient de biens possédés. Alors que le bonheur n’est que chaleur des actes et contentement de la création. Ceux qui n’échangent plus rien d’eux-mêmes et reçoivent d’autrui leur nourriture, fût-elle la mieux choisie et la plus délicate, ceux-là mêmes qui, subtils, écoutent les poèmes étrangers sans écrire leurs propres poèmes, jouissent de l’oasis sans la vivifier, usent des cantiques qu’on leur fournit, ceux-là s’attachent d’eux-mêmes à leurs râteliers dans l’étable et, réduits au rôle de bétail, sont prêts pour l’esclavage. »
Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle
Alors, les Saoud sont-ils encore capables de bâtir leurs épopées ?
Leur unique puissance est leur capacité de nuisance, qu'ils troquent contre l'asservissement de leurs interlocuteurs, domestiques comme étrangers.
Mais voici trois gages de leur décadence :
1. Regardez ce qu'ils ne manquent jamais de faire. Ils ne manquent jamais de filer en Occident s'adonner à ce qu'ils dénoncent hypocritement comme des vices, et tout le monde le sait. Ils ont déjà troqué le wahhabisme contre le confort. Derrière eux, par mimétisme des élites, tout le peuple est en train de fuir, moralement, la stérile tartufferie du wahhabisme. C'est comme les Est-Allemands : jusqu'au bout ces derniers tinrent les frontières en uniforme contre les fugitifs, et quand le régime a abdiqué, ils étaient tous occidentaux, malgré l'endoctrinement, malgré les mensonges et les professions de foi communistes.
Les Saoudiens ne rêvent tous, ou presque, que de "pécher". Et la plupart des sunnites ne le restent que par la tyrannie des rues sunnites. Pourtant, un jour, tous ces inquisiteurs se trouveront plus faibles que leurs victimes, comme en Irak et peut-être en Syrie, comme dans les Balkans sous les Ottomans. Cette "désunnisation" du monde fait partie de la révolution libérale qui emporte tous les folklores économiquement nuisibles.
2. Leurs adversaires montent en puissance, tandis que les Saoud rabrouent leurs alliés occidentaux et affaiblissent leurs auditeurs avec leur totalitarisme religieux.
3. Enfin, l'école achèvera inéluctablement Jéhovah, par lui le sunnisme, quand les lecteurs musulmans lèveront toutes les superstitions coraniques et non coraniques (telle la prétendue interdiction de l'alcool qui n'y figure pas...). Du Coran ne resteront validées que les rares sourates utiles (contre le vol, le mensonge, la complicité de crimes) et la masse des autocélébrations des croyants et de leur divinité suméro-cananéo-judéo-chrétienne.
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Le réel problème sunnite est cette autre abomination que constitue un Pakistan possédant l'arme atomique ou nucléaire. Tôt ou tard, l'Iran et l'Inde se dépêtreront de leurs propres folklores antilibéraux et déclasseront les ultra-conservateurs sunnites des Indes. Il peut se trouver au Pakistan ou à travers lui des extrémistes sunnites qui s'accrocheront à leur pouvoir de nuisance pour dominer les autres ; néanmoins, même les Soviétiques ont fini par céder en dépit d'une puissance militaire, nucléaire, politique, matérielle, intellectuelle et morale bien plus considérable.
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Les autres pôles sunnites annoncent la chute. Le Maghreb se sent de moins en moins "arabe" et reconnaît de plus en plus sa composante berbère, plus subtile et pragmatique. C'est carrément une "désarabisation" qui s'amorce. L’Égypte est déjà passée par bien d'autres religions que le sunnisme et se drapera de bien d'autres fois encore, pour peu qu'elle y trouve un intérêt national.
En somme, il ne faut pas juger l'avenir des sunnites sur l'excitation de leurs ultra-réactionnaires, pas plus qu'il ne fallait condamner les destins de la France, la Russie, l'Allemagne, la Chine ou le Cambodge, et tant d'autres, d'après leurs tyrannies indigènes. Ces colères, qui accompagnent les révolutions libérales, sont symptômes de frustrations et peurs de disparaître, symptômes de la lucidité de l'obscurantisme, autant d'hommages des vices antilibéraux aux vertus libérales. Jusqu'au moment où ceux qui troquent les tartufferies morales contre le confort libéral baissent les masques et lâchent prise.
Si de si puissants tyrans ont abdiqué en Europe,
et ils pliaient la planète sous leurs lois, quelle chance de survie accordez-vous aux tyrans orientaux dans les siècles prochains ? Les tyrans sunnites ne pèsent que le poids des pétrodollars, sans lesquels ils ne tiennent que des lames contre le monde.