Je suis désolé d'être aussi confus dans mes explications précédentes ou suivantes.
La situation est compliquée et sa compréhension nécessite d'appréhender des états d'esprit passablement étrangers aux Occidentaux libéralisés d'aujourd'hui.
De fait, j'explique en pensant que plusieurs données implicites sont connues. Si elles ne l'étaient pas, faites-le moi savoir et j'expliciterai.
Savinien a écrit:
Et il s'agit bien de reconnaitre les frontières de 1967 pour les quatres pays d'Amérique latine. L'Europe quant à elle dit prévoir une reconnaissance ... Ce qui est vague.
1. Je crois que la difficulté ne vient pas des autres Etats. Je ne vois aucun Etat qui renâclerait à reconnaître la Palestine. Les plus réticents pouvaient être d'abord l'Egypte ou la Jordanie, pour s'emparer de la Palestine historique (que je définirai ainsi dans ses frontières de 1918), puis Israël depuis quelques années (avec le début de la seconde Intifada en 2000 ?) et pour la même raison ou pour gagner une marge de négociation supplémentaire.
2. Je crois que la difficulté vient des dirigeants palestiniens eux-mêmes.
Pourquoi ? Nous avons là des Arabes qui vendent, au début du XXe siècle, des fermes et des terres aux colons sionistes. A la fin des années 1920, les Arabes s'aperçoivent que les sionistes sont devenus trop nombreux. Leurs moeurs sont étrangères, ils échappent au contrôle des chefs de clans et de tribus arabes.
Les Arabes entreprennent de reprendre par la force ce qu'ils ont vendu et d'expulser les sionistes, histoire de redevenir maîtres chez eux et de récupérer en plus du beurre l'argent du beurre.
C'est la "révolte arabe" (1935-1939) : 300 juifs sont tués avant que la puissance tutellaire, le Royaume-Uni, ne réprime violemment les débordements (3.000 Arabes et 200 Britanniques tués).
Les Arabes prennent patience durant la Seconde Guerre mondiale. Ils se rangent derrière le Royaume-Uni contre l'Axe et, de toute manière, l'indépendance promise n'est pas loin. Ils sauront bien éliminer les immigrés juifs une fois les Britanniques partis.
L'indépendance, les sionistes l'exigent aussi dès 1938, au prix d'attentats.
Lassé, le Royaume-Uni prépare un plan de partage de la Palestine. Les Arabes palestiniens n'acceptent aucune partition. Les Britanniques partis, les Arabes de Palestine attaquent en 1948 les sionistes pour finir le travail de 1935.
Fausse suprise : les sionistes sont plus nombreux qu'en 1935, mieux armés, mieux organisés, mieux aguerris par les combats menés dans les forces alliées. Les alliés arabes étrangers interviennent tard, peu et mal.
La victoire sioniste élargit les frontières de 1947 à celles de 1948. A la légitimité démographique (contrôler les terrains où ils dominent démographiquement) et diplomatique (les plans de partage internationaux), les sionistes mêlent une illégitimité : avoir chassé des populations palestiniennes pour dominer démographiquement le territoire de 1948.
Pour les Arabes, surtout palestiniens, la mémoire met en avant cette illégitimité et ce point de départ. Ils n'admettent pas que des étrangers immigrés et envahisseurs (les sionistes) aient pu les bouter, par l'achat ou la violence, d'une parcelle de territoire arabe pour obtenir ensuite leur indépendance.
Les Arabes ne reconnaissent pas l'indépendance israélienne.
Alors, pour les Palestiniens, le problème est d'être reconnus, oui,
mais dans quelles frontières ? Les plus défaitistes accepteraient peut-être les frontières de 1948 (ou 1967 comme il vous plaira) mais je crois que la majorité aimerait récupérer Israël.
Peut-être que, pour que la Palestine accepte d'être reconnue, elle exige un flou quant à la définition de ses frontières. Le tabou pour elle consiste à être reconnue dans des frontières tracées autour d'Israël parce qu'elle n'admet toujours pas l'indépendance israélienne.
La Palestine revendique toujours Israël. Ca pose la même difficulté qu'une France revendiquant l'Algérie ou qu'une Allemagne revendiquant la Prusse orientale et refusant d'être reconnues dans leurs frontières actuelles.
Savinien a écrit:
L'Europe et autre demande toujours la même chose : les frontières de 1967 ou des arrangements à l'amiable via des échanges de territoires par exemple pour ce qui est de ces colonies israéliennes.
Avant le début de la seconde Intifada, la majorité des Israéliens et de leurs dirigeants, ainsi que la majorité des pays de la planète, étaient prêts à reconnaître la Palestine dans ses frontières de 1967
en échange d'une simple reconnaissance de ces frontières par la Palestine elle-même, ce qui impliquait la reconnaissance d'un territoire indépendant (Israël) par la Palestine.
Le drame est que depuis 2000 la position israélienne s'est modifiée selon plusieurs paramètres :
1. Le désespoir de ne jamais satisfaire les revendications intimes de la Palestine et de ses soutiens internationaux (variables selon les décennies), à savoir la récupération de l'intégrité de la Palestine (dans ses frontières de 1918).
2. La découverte du pourrissement palestinien à mesure de l'isolement des Palestiniens : moins les Palestiniens sont mêlés aux Israéliens, moins ils nuisent à Israël et plus ils s'autodétruisent.
2.1 On constate qu'avec la ségrégation physique des deux populations, accompagnant les différentes guerres israélo-arabes, les pertes civiles et quotidiennes se sont amoindries pour Israël tandis que les violences civiles augmentaient entre les Palestiniens.
2.2 Les factions politiques palestiniennes s'entretuent depuis la première Intifada (près de 900 Palestiniens tués par d'autres Palestiniens contre plus de 1.100 tués par les Israéliens du 9/12/1987 au 11/9/1993).
2.3 Ces violences inter-palestiniennes sont aggravés par les murs israélo-égyptiens. Confinés sur leurs territoires, les Palestiniens tournent désormais leurs frustrations et leurs violences entre eux, faute de pouvoir les exercer contre les Israéliens. Ces violences ne s'atténuent qu'en cas d'affrontements avec les Israéliens. Les attaques palestiniennes (bombardements par roquettes) contre Israël ne constituent à mes yeux que des tentatives d'induire des contre-attaques israéliennes pour unir les Palestiniens (c'est une initiative récurrente du Djihad islamique qui se pose là en réunificateur).
2.4 Le plus insidieux effet des murs, et je ne sais s'il est voulu, est d'induire une situation anti-libérale qui déclasse gravement les Palestiniens, même par rapport aux autres populations arabes. Privés d'échanges libres avec le reste du monde par son enceinte et par le clientélisme du Hamas, les Gazaouites régressent vers une pauvreté encore plus intellectuelle et morale que matérielle. Ca ne les placent guère en position d'affronter Israël, l'Egypte ou même avec leurs compatriotes cisjordianiens.
Les Cisjordianiens ont leurs libertés limités par le clanisme, le despotisme du Fatah, le mur israélien et les incursions des colons israéliens.
3. Limités, à la fois anti-libéraux et privés de libéralisme, s'autodétruisant, les Palestiniens ne semblent plus en mesure d'assurer la
légitimité de leur présence (définie par leur domination démographique) sur leur propre territoire (Gaza et Cisjordanie). Comme dans les années 1920-1940, ils continuent d'être mis en minorité démographiques sur plusieurs parcelles.
Or ils auraient asseoir cette légitimité sur une reconnaissance internationale de leurs frontières, ce qu'ils n'ont jamais accepté pour ne pas reconnaître celles d'Israël.
N'ayant pas d'existence juridique forte, la Palestine n'a pas de territoire défini. Ce qui lui reste de territoire est un terrain vague revendicable par tout un chacun.
4. Les Israéliens s'orientalisent. Leurs aînés avaient besoin de respectabilité et d'amour-propre mesurable dans le regard de leurs ennemis. Leurs cadets n'ont connu qu'un état de siège et adoptent les valeurs orientales, pour lesquelles un vainqueur trop magninime est perçu comme faible et un vaincu indocile doit être éliminé sans délicatesse.
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=> La modification des ces quatre paramètres (1. désespoir israélien d'être reconnus par les Palestiniens, 2. guerres civiles et 3. effondrement économique, politique et moral des Palestiniens, 4. désensibilisation des Israéliens) font que les Israéliens n'ont presque plus rien à gagner dans la reconnaissance de la Palestine.
Avant, ils y gagnaient la reconnaissance de leur ennemi et victime. Aujourd'hui, ils s'en fichent.
Avant, ils y économisaient de nombreuses vies. Aujourd'hui, les rapports des pertes israélo-arabes sont de 1 à plus de 100, ce qui semble empiriquement intenable pour les Arabes, sans compter que les Arabes s'entretuent tout seuls, au Proche-Orient (Liban, Syrie, Palestine) ou ailleurs (Maroc, Irak, Yémen...).
Avant, ils y gagnaient de la sécurité et des partenaires économiques. Aujourd'hui, ils l'ont.
Avant, ils craignaient de perdre leur territoire. Aujourd'hui, ils peuvent l'agrandir.
Dans les deux cas, ils n'ont pas la paix avec les Palestiniens. La situation actuelle ou son aggravation (conflits) bénéficie à Israël et nuit à la Palestine.
Seule la Palestine a un intérêt à y mettre un terme mais qu'a-t-elle à échanger désormais ?