Tonnerre a écrit:
BO commence son mandat avec "plus de capital politique" que Reagan? Selon cet article:
http://www.fivethirtyeight.com/2009/01/ ... -than.htmlqui rapporte que le taux d'approbation post-inaugural de BO est le plus élevé (68%) de tous les présidents depuis l'époque d'Eisenhower, à l'exception de celui de Kennedy, supérieur à 70%--celui de Reagan n'étant que 51%.
Celui-ci, bien qu'il l'emporte de loin sur BO en nombre de votes de collèges électoraux, est nettement battu par lui pour ce qui est du nombre de "popular votes" et du pourcentage de "popular votes": Obama 69,5 millions de pv et 52,9% des pv, Reagan 43,9 millions et 50,7%.
Nate Silver est toujours interessant, mais il est aussi parfois un peu trop partisan (ce qu'il a le mérite de reconnaitre). Cette analyse omet ainsi un fait capital, la présence d'un tiers-candidat en 1980, le Représentant républicain
liberal John Anderson, qui a obtenu 7% des voix (5,7 millions de voix). Du coup, la comparaison des résultats électoraux entre 1980 et 2008 est un peu faussée au niveau de la marge de victoire et du nombre de voix. On peut en effet suspecter qu'une partie de l'électorat de Anderson se serait reporté sur Reagan en cas de course à deux, et sans doute assez pour rattraper voire dépasser la marge entre Reagan et Obama en voix (1,2 millions) et en pourcentage de voix reçu (2,7%). De plus, je trouve assez orienté son insistance à parler en nombre absolu de voix plutôt qu'en pourcentage ("his margin of victory was larger than Reagan's in absolute (rather than percentage) terms"), sachant que la population américaine à augmenté de 80 millions d'habitants entre les deux élections...
Cela dit, le débat sur le "capital politique" est absolument fascinant. Aux Etats-Unis, on parle plus souvent de
mandate : le nouveau Président a-t-il reçu un mandat de la population à l'occasion de son élection pour appliquer son programme ? C'est ce que Paul Krugman impliquait dans se chornique post-élection du NYT, le 7 novembre dernier:
"
Cette année, Obama a mené une campagne qui défendait une sécurité sociale universelle et des baisses d'impôts pour les classes moyennes, payées grâce à des augmentations d'impôts pour les plus riches. John McCain a dénoncé son opposant comme un socialiste et un redistributeur, mais les Etats-Unis ont malgré tout voté pour lui. C'est un vrai mandat".
http://www.nytimes.com/2008/11/07/opini ... ugman.htmlMatthew Iglesias affirmait la même chose :
"
Les gens veulent que Obama mette en place son programme, et son programme est progressiste : réduire les émission carbone, étendre l'accès à la couverture maladie et l'accès à l'école dès le plus jeune âge, réformer le système d'imposition, et redistribuer les richesses pour parvenir à une prospérité mieux répartie".
http://yglesias.thinkprogress.org/archi ... andate.phpLe seul problème, c'est que ces auteurs décident pour les gens quel type de message ils ont envoyé lors de l'élection. Or, qui s'intéresse à la science politique sait parfaitement que la vaste majorité des électeurs n'étudient pas attentivement les programmes des candidats, qu'ils ne comparent pas ces programmes entre-eux et avec leurs propres opinions, et que les résultats électoraux ne conduisent pas toujours à l'élection du candidat le plus proche des idées de la majorité, et donc à la mise en place de politiques publiques qui leurs conviennent.
En fait, l'opinion des électeurs sur les enjeux et le choix d'un candidat deviennent bien de plus en plus cohérents tout au long de la campagne, mais pas parce que les gens votent pour le candidat le plus proche de leurs positions politiques. Au contraire, les électeurs utilisent ce qu'ils savent sur les enjeux à la fois pour rationaliser leur propre position (lui donner une cohérence) et pour rationaliser le choix de leur candidat, choix qui est très souvent déjà fait sur d'autres bases (sociales ou conjoncturelles. En fait, les électeurs sont en grande partie déterminés par leur environnement social et la conjoncture politique à voter pour un parti, et la campagne leur sert à adapter leurs positions sur les enjeux à celles de leur parti (cf : Lenz,
Learning and Opinion Change, Not Priming.
http://web.mit.edu/polisci/research/gle ... np_7_5.pdf).
En somme, on ne peut pas vraiment interpréter les résultats d'une élection comme le soutien aux propositions du vainqueur et le rejet de celles du perdant. D'autres chercheurs ont alors estimé que ce terme de
mandate est plus une construction sociale qu'un signal donné par les électeurs (cf Grossback, Peterson, Stimson,
Mandate Politics.
http://www.amazon.com/Mandate-Politics- ... 660&sr=8-1.
Selon eux, ce qui compte, ce n'est pas ce que les électeurs veulent ou ne veulent pas, c'est ce que les hommes politiques pensent que les électeurs veulent. Après une élection considérée comme un "mandat", les élus au Congrès changent souvent d'opinion sur certains enjeux pour une période de temps déterminée. De ce point de vue, 1964, 1980 et 1994 ont été de vraies
mandate elections. Nate Silver apporte des arguments qui laissent à penser que 2008 pourrait aussi en être une. Au final, si on estime qu'un mandat est bien une construction sociale, cela nécessite un certain consensus au sein de la classe politique. Si les républicains décident de nier que les électeurs ont fait passer un message pendant cette élection, le consensus ne pourra pas se former.