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Parlez-vous des défaites chinoises contre le Vietnam entre 1979 et 1987 ou des échecs militaires nord-vietnamiens transformés en victoire politique grâce à l'opinion publique américaine ?
Ah, le mythe de la victoire militaire américaine au Vietnam qui ressurgit périodiquement comme un serpent de mer!
Lorsqu'a lieu l'offensive du Tet, qui prend les Américains par surprise et s'étend à tout le pays, 36 des grandes villes du Vietnam du Sud sur 44 sont attaquées, Hué est prise, l'ambassade américaine à Saigon est assiégée, l'aéroport de Tan Son Nut est bloqué, mais les forces américaines et du Sud réagissent et finissent par complètement redresser la situation, c'est exact.
S'agit-il d'une victoire? Certainement pas, tout au plus d'une non-défaite, c'est à dire d'un retour à la situation antérieure, situation de "quagmire" (bourbier) qui dure depuis des années et où aucun des deux côtés n'a obtenu un avantage vraiment décisif. Les militaires américains--le CEM étant le général Westmoreland--profitent de ce retour au statu quo ante pour faire valoir qu'ils sont dans la bonne voie auprès du gouvernement US et qu'il faut continuer dans cette direction.
Pour cela, et afin d' obtenir une vraie victoire, Westmoreland ne demande que l'envoi de quelques renforts supplémentaires, une bagatelle de ...206 000 hommes. S'il avait vraiment remporté une victoire décisive, il n'aurait pas eu besoin de 200 000 troupes supplémentaires; gagner une bataille, ce n'est pas gagner la guerre.
Mais après la contre-offensive du Tet, aucune avancée nouvelle; stratégiquement, peu de choses ont changé: le potentiel du Nord n'est toujours pas gravement atteint, même par des bombardements aériens répétés, l'armée sud-vietnamienne toujours aussi peu capable de prendre la situation en main et de se débrouiller sans l'armée US, le gouvernement sud vietnamien toujours bénéficiant d'un soutien populaire aussi limité, le gouvernement US toujours aussi restreint, pour lancer des actions écrasantes contre le Nord-Vietnam, par des considérations de prudence évidentes, et la stratégie de la guerre d'usure adoptée par les forces US/Sud vietnamiennes toujours aussi inefficace pour obtenir un basculement décisif de la situation militaire en leur faveur.
Et donc, pour occulter le fait qu'ils ont bel et bien été surpris par l'offensive du Tet (tout comme à Pearl Harbor), qu'ils ont bluffé en faisant croire à des progrès militaires majeurs et que les actions militaires qu'ils ont lancées pour contrer cette offensive n'ont obtenu qu'un retour à l'irrésolution du conflit antérieure, les généraux US ont lancé le bobard archiclassique de toutes les guerres: "venditi summus", nous n'avons pas été vaincus, nous avons été vendus.
A les en croire, ils avaient bel et bien remporté la victoire militaire (où étaient sur le point de le faire), mais les traitres, les pacifistes de la presse, des milieux progressistes, les hippies du flower power, les "Hanoi Janes" et l'opinion publique presque toute entière avaient annihilé cette victoire militaire par leur défaitisme et avaient finalement remporté la victoire politique. C'est l'arrière qui n'avait pas tenu, comme toujours...
Comme le dit Jacques Portes dans son livre sur la guerre du Vietnam, "ces accusations perdurent et sont reprises dans de nombreuses analyses superficielles de la guerre".
Les US ne pouvaient pas remporter une vraie victoire militaire, sauf à lâcher des bombes atomiques sur le Nord, à l'écraser sous les bombes façon DGM, ou à l'envahir. C'est un prix que personne n'était prêt à payer aux US, pas même les militaires; les buts stratégiques des US n'étaient pas la destruction du Vietnam du Nord mais la non-communisation du Vietnam du Sud, buts limités qui impliquaient une guerre limitée excluant de ce fait la possibilité de remporter une victoire militaire complète.
De plus c'est une grave erreur conceptuelle que de penser les entreprises militaires existent indépendamment du politique mais c'est un autre débat.
A en croire les généraux US actuels d'ailleurs, il leur suffirait toujours d'un peu plus de temps et d'un peu plus d'effectifs pour remporter la victoire, nihil novo sub sole
En outre, même si on admettait que c'est bien l'arrière qui aurait sabordé la supposée victoire militaire américaine au Vietnam, je doute fort que l'arrière français tienne mieux le coup que l'arrière américain dans l'hypothèse d'une guerre franco-chinoise.