Le
Point du 26 avril 2018 annonçait l'escalade en cours de la rencontre entre ces deux puissances régionales, dans un dossier consacré aux 70 ans ans d'Israël.
Citation:
Militairement, l’adversaire immédiat n’est pas les Palestiniens – bien que la paix avec eux soit toujours hors de portée – mais bien l’Iran, un pays non arabe qui fut longtemps allié de l’État juif et qui est devenu son ennemi juré. Le chef d’état-major, le général Gadi Eizenkot, considère Téhéran comme l’« ennemi central » d’Israël. Il juge une guerre possible cette année ; il se dit confiant quant à son issue. […]
La nouvelle guerre qui se profile n’est plus arabe mais perse. « La probabilité est forte d’un conflit entre Israël et l’Iran dans un avenir peu éloigné », observe l’analyste Ofer Zalzberg, de l’International Crisis Group. […] Pour la première fois, des pays arabes comme l’Arabie saoudite ou l’Égypte soutiendraient Israël plutôt que son adversaire, par hostilité avec l’Iran. […]
Pourtant, dans les premières décennies de son existence, Israël était allié avec l’Iran du chah contre les États de la Ligue arabe. L’État juif s’y procurait du pétrole et y vendait des armes. […] « Nous avions une coopération d’enfer, se souvenait encore des années plus tard le général Yitzhak Segev, qui fut à la fin des années 1970 le dernier attaché militaire israélien à Téhéran. Chaque général iranien visitait Israël. Nous leur rendions la pareille. » Tout change en 1979. […] En prétendant au leadership du monde musulman, l’Iran s’approprie la cause palestinienne et désigne Israël comme l’ennemi numéro un.
L’antagonisme va se radicaliser, d’abord avec le soutien apporté au Hezbollah chiite libanais par l’Iran. […] En 2000, l’évacuation par Tsahal du Sud-Liban offre au Hezbollah la possibilité de s’installer à la frontière nord d’Israël. […] En 2006, la seconde guerre du Liban est l’occasion d’accrochages directs. Des conseillers militaires iraniens sont tués par des commandos israéliens lors d’un raid aéroporté de Tsahal à Baalbek. […] Téhéran est depuis longtemps un parrain du Hamas palestinien, pourtant sunnite, qui contrôle la bande de Gaza. […]
La perspective de la fin de la guerre en Syrie, après les défaites successives enregistrées par la rébellion, avive paradoxalement les flammes de l’affrontement entre Téhéran et Jérusalem. Non seulement parce que Israël ne peut pas supporter de voir les forces iraniennes s’installer de façon pérenne en Syrie, mais aussi parce que, si le régime syrien reprend les zones tenues par la rébellion qui jouxtent le Golan occupé par Israël, il offrirait à l’Iran un nouveau point de friction avec Tsahal. « Plus Assad parvient à gagner la guerre, plus les risques d’affrontement entre Israël et l’Iran grandissent », explique l’analyste Ofer Zalzberg. Le 10 février a lieu un incident grave. Ce matin-là, un drone iranien – armé d’explosifs, selon Israël – décolle de Syrie et pénètre, via la Jordanie, dans l’espace aérien israélien. Un hélicoptère de Tsahal l’intercepte et le détruit. La défense syrienne abat par la suite un chasseur-bombardier F-16 israélien menant un raid de représailles. Israël n’avait pas perdu d’avion au combat depuis 1982. Le 9 avril, l’aviation israélienne effectue un nouveau raid, tuant sept militaires iraniens dont un colonel.
L’État juif a deux buts stratégiques, souligne le général Amos Yadlin, directeur de l’Institut d’études de sécurité nationale à Tel-Aviv et ancien patron du renseignement militaire. L’un est d’empêcher l’Iran de s’installer durablement en Syrie, l’autre d’améliorer (ou saborder) l’accord international sur le nucléaire iranien. « Atteindre ces deux objectifs majeurs, afin d’empêcher à l’avenir des menaces iraniennes sérieuses, pose certains risques immédiats, dit-il. Israël doit se préparer à de nouvelles étapes du conflit, qui passeront par des ripostes ennemies et un retranchement iranien. » Israël ne veut pas connaître le sort de la Corée du Sud, qui a dû assister, impuissante, à la maîtrise progressive de l’arme atomique et des capacités balistiques par le régime de Pyongyang. À tout prendre, Jérusalem préférerait frapper préventivement.
Téhéran de son côté poursuit plusieurs objectifs : renforcer le régime d’Assad dans l’immédiat, mais aussi dissuader Israël d’attaquer l’Iran en lui montrant qu’il peut aussi lui infliger des dommages, et affaiblit l’État juif, qu’il voue aux gémonies. […]
Le cauchemar israélien serait la livraison par la Russie à Damas de missiles antiaériens perfectionnés de type S-300, comme le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, l’a envisagé après les dernières frappes américano-franco-britanniques qui ont visé le programme chimique syrien. Si de tels systèmes d’armes parvenaient aux mains des forces de Bachar el-Assad, la liberté d’action de Tsahal contre les infrastructures iraniennes en Syrie serait entravée. Jérusalem, qui comptait sur Moscou pour tenir Téhéran en laisse, s’aperçoit que les Russes ne peuvent pas, ou ne souhaitent pas, jouer ce rôle.
[…] Pour Dov Zakheim, ancien haut responsable du ministère de la Défense à Washington, « un retrait américain de Syrie pourrait avoir deux conséquences possibles, l’une mauvaise, l’autre pire. La première serait un bombardement préventif par Israël de toutes les installations iraniennes en Syrie, l’autre un attaque préventive de l’Iran et du Hezbollah contre Israël ».
2018, Le Point 2382, 41-44
Plusieurs remarques :
1. L'éternel retour perse (ou persan) : ce n'est pas la première fois qu'un "Empire perse" arrive sur les rives méditerranéennes, qu'il s'oppose à un empire romain ou héritier (Byzance, les Ottomans). Israël pense-t-il à la conquête babylonienne ?
2. L'arrivée israélienne fait immanquablement penser à la "libanisation" du conflit syrien. Vingt-huit ans après la fin de la seconde guerre civile libanaise (et ses 171.000 morts en 15 ans), sournoisement initiée par Hafez el-Assad protégé par l'Union soviétique, le Français que je suis (avec pas mal de Libanais) ne peut s'empêcher de penser que la Syrie n'a pas volé ce qui lui arrive.
3. Quatre grands camps régionaux : Israël ; l'Iran et son internationale chiite ; la Turquie ; les Arabes sunnites peu ou prou regroupés derrière le totalitarisme wahhabite.
Des partis locaux trop faibles et cocus de l'Histoire : les Kurdes ; les Frères musulmans, une extrême droite dépassée par son extrême droite et rattrapés par la réalité (et parmi eux, le Hamas de Gaza qui a passagèrement trahi l'Iran pour retourner dans son giron... ; après la Jordanie, le Liban et le Koweït, on finirait par croire que la trahison est inévitable chez certains Palestiniens) ; les djihadistes sunnites qui courent d'échecs en échecs et d'écueils en écueils depuis qu'ils ont trahi les USA.
Deux ingérences étrangères : l'Occident, par habitude (...) et aussi pour faire plaisir aux Saoudiens et rassurer Israël ; et la Russie, autant par clientélisme (ventes d'armes, que pour embêter l'Occident afin de se venger ici des camouflets qu'elle endure ailleurs (Europe de l'Est).
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